Le royaume d’Icare

Du moins l’a-t-il cru alors. L’émotion revient. La vie est un
théâtre. Cette vérité acceptée, le reste fut aisé. Le bijoutier a
noté sa présence. En jetant un œil au miroir, il s’est immobilisé
une bonne seconde. Le miroir qui permet de voir la porte
tout en lui faisant dos. Ils ont tous un truc. Madame Irma! Le
rappel le fait sourire.
— Vienne pétit, jé vais té faire les cartes. Approche, approche,
assié-toi. Jé vais té raconter ton avenir. Comment
tou t’appelles
Elle l’accueille ainsi. Une femme sèche arborant une panoplie
de breloques, bagues, colliers et pendentifs, ayant
tous un petit quelque chose d’intrigant. Des serpents entrelacés,
une tête de mort, la face cinq d’un dé. Le reste, Miguel
ne se rappelle pas, tant il y en avait. Un turban ceinture sa
tête, ses yeux sont fardés de noir et une ample robe voile sa
maigreur. Une harpie, expliquera Béatrice sur le chemin du
retour : une voix en brise envoûtante surgie d’une caverne où
l’écho se fait velours.
Miguel apprend le français. Son temps d’instruction tirant
à sa fin, Béatrice peaufine son éducation. Au sens où elle
l’entend, connaître une langue, c’est y prendre ses aises.
— Le Français est à table quand il parle. C’est un gourmand.
C’est ça avoir le génie des langues. Enfin, pour moi.
Ce disant, elle pointe sa poitrine, le doigt sur un sein.
— Pourquoi le français avait-il demandé, espérant vaguement
se soustraire à ce pénible labeur.
La réponse de Béatrice l’avait surpris.
— L’italien, ça se roucoule à l’oreille. L’espagnol, ça s’est
fait tout seul. Le français c’est ton passeport pour toute l’Europe.
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