Le royaume d’Icare

— Mais il y a des enculées de première, ajoute-t-elle en
se pointant, un caillou gigantesque au doigt, hommage d’un
émir qui jamais n’oublia.
Quand Miguel met son statut au menu, Béatrice résume :
— Ça arrive dans les meilleures familles, mais ça ne fait que
de meilleurs bâtards. Compte sur tes charmes, tu deviendras
riche mon enfant. Et pas seulement de souvenirs. Quant à
tes parents, mieux vaut les oublier. Tu ne sauras jamais.
Six années plus tard, elle ajoutera :
— Il faut que je te dise. Elle est morte vendredi passé.
Viens, embrasse ta madone.
Miguel apprend donc à séduire, commenter, louanger,
décrire, inventer avec, dès ses douze ans, une pause dans
la dentelle aristocratique de madame si sa performance a
charmé la « maîtresse ». Une éducation complète, Béatrice
y tient. Pour l’épreuve finale, elle choisit une jeune domestique
des plus sèches et défie Miguel de la séduire. Il dispose
d’un mois.
Une semaine lui semble trop mais après deux le doute
s’installe en lui. Béatrice explique les craintes de la bonne,
comment la rassurer, l’enflammer, la laisser mijoter avant
de revenir en force. La petite succombe trois jours avant
l’échéance. Madame congédie la domestique qui a séduit, la
coquine, le fils d’une comtesse. Si la pauvre en pleura longtemps,
ce fut sur une bourse qui lui permettrait de ne plus
jamais être une domestique. La comtesse déchue a de la
classe et du cœur. Elle aussi va perdre son beau Miguel. D’où
la mention « larme à l’œil » au diplôme.
Voyant le sablier du bâtard presque à court de grains, le
comte demande un état des comptes. Béatrice résume, un
art chez elle :
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