Le royaume d’Icare

dentelle d’un blanc éblouissant. Nous allons te présenter à
la ville.
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À Paris, rue des bijoutiers, Belladona vient de repérer la
boutique. Entre en scène signor Pellegrini, qui flâne d’une
vitrine à l’autre, absorbé.
Pour son dixième anniversaire, Béatrice initie Miguel à
l’opéra. Une calèche luxueuse dans le soleil couchant, les lumières
au loin, la foule. Un ballet de tissus et de parfums sous
des lustres ornés de grappes de cristal. De longs escaliers de
bois verni qui courbent vers les étages. Un chapelet de salutations
et d’hommages chemin faisant. Dans le sillon de Béatrice
resplendissante, un tapis de murmures ferme ses pas.
Ils s’installent dans une petite niche d’obscurité que scrutent
une myriade de regards. Le rideau s’ouvre sur un amour,
explose en drame et se dénoue dans la mort, le tout tissé de
voix graves et claires qui se répondent et répandent, telles
sirènes en eaux calmes, le trouble d’orages soudains. Rideau,
salve d’applaudissements, descente et nouveau chapelet de
politesses. Autre tapis de murmures. Un billet adroitement
glissé, que Béatrice cueille sans broncher. La nuit fraîche et
silencieuse. Un mendiant main tendue qu’on ignore. Ça rappelle
Miguel à sa condition future. Sans le bras de Béatrice,
il ne serait rien. Tout ce faste, ces attitudes, ces politesses,
ces tissus et ces parfums, c’est le spectacle des bien nantis.
Sous cette façade d’opéra, il n’y a que du bois, des clous, de la
pierre et du mortier. Sous les beaux habits, on ne trouve que
des chairs vieillissantes. Le pauvre n’a que chair, bois, pierre
et clous. Seuls les riches ont droit à une mise en scène; eux
rêvent avec décors.
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