Le royaume d’Icare

Feuerbach fait ses préparatifs pour Londres, d’où il reviendra
avec le jeune Itchkoff après avoir fait la connaissance
du surprenant Bjelica Ekenstein. Il défendra ensuite son
titre en Russie pour la première fois, en juin, contre l’étoile
de Riga, Mark Dvorek, champion du monde par correspondance.
Le père de John Nilsson va entreprendre un voyage
tragique en Afrique du Sud dans l’espoir de mousser sa carrière.
Tous ces événements semblent alors sans incidence
possible dans la vie de Frédéric, unique fils de Karl Kolarov,
né fin janvier 1900 tout près de Minsk. Seuls la voix et le lait
maternels comptent à ses yeux fermés.
Fils du maître écuyer au domaine Pdorky, terres du seigneur
Grigov, Frédéric joue aux échecs les soirs d’hiver. À
dix ans, même le champion du coin, le cordonnier Niko, n’en
vient plus à bout. On l’envoie à un tournoi dans la grande
ville. Il y gagne partie après partie, à l’exception d’une seule,
contre un maître local. Celui-ci se dit impressionné par la
virtuosité de l’enfant. Empêtré dans des ouvertures médiocres,
le jeune Kolarov réussit à renverser le sort à force
d’ingéniosité et de ténacité. Curieux d’expertiser ce trésor
échiquéen prophétisé, Grigov le confie à une école spécialisée
à Saint-Pétersbourg. Le jeune Kolarov n’en reviendra
que quatre années plus tard, la guerre commencée.
Le jeune homme possède un sens inné de la combinaison
de pièces. Au domaine, ses adversaires ne comprennent
pas les menaces qu’il pose sur l’échiquier. La fatalité tombe
sur ses opposants comme le mauvais sort que redoutent les
vieilles à la cuisine. Ce qui excite Kolarov au départ l’ennuie
à la longue. La bêtise des autres l’empêche d’approfondir son
investigation des positions. Frédéric reprend à son compte
les parties jouées en améliorant le jeu de son adversaire. À
l’examen d’un coup il devine parfois des conséquences qui
lui rappellent le puits où penché, son épée de bois échappée,
il avait été sidéré par la profondeur de l’obscurité.
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