Le royaume d’Icare

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— Tu peux y réfléchir quelque temps. Ils peuvent attendre.
— Non. Il faut qu’elle parte.
— Dans ce cas...
Lord Bennett avait pris le combiné :
— Passez-moi lord Ashley, miss. Au ministère, oui.
Leur enfance prenait fin. Comme John avait accepté de
travailler pour le service de documentation de l’armée, l’influence
du corps diplomatique allait accélérer le traitement
du dossier.
La mer est houleuse et il pleut, mais le jeune homme est
ailleurs. Anne ne subira plus les outrages mentaux de ces
sorciers modernes. Une vision cauchemardesque le fait frissonner,
comme à chaque rappel.
Le lugubre Whitby Asylum siège dans un manoir ancestral
que l’expansion urbaine a avalé depuis un demi-siècle.
La proximité d’une gare a attiré la populace dans un quartier
délaissé par les bien-nantis. L’éclat de l’ancien manoir a
sombré et le bâtiment étale maintenant, comme tout le quartier
d’ailleurs, un état inhérent à la modernité : la pauvreté
de masse. Les murs du manoir sont faits de grosses pierres
grises noircies par la fumée de charbon, où se meurt le lierre
sous les lampes à gaz. Ainsi apparaît l’endroit à John depuis
la voiture diplomatique qui se gare devant l’entrée. Deux
préposés l’attendent, prévenus d’un visiteur important.
Anne a été transférée au Whitby après une série de crises
alors que John terminait son séjour à l’étranger. L’institution
de bonne classe où on l’avait placée, conséquence de
l’engagement de son frère dans l’armée, était devenue un
cauchemar pour Anne. Jamais elle ne lui expliqua pourquoi.
Les autorités n’avaient pas cru pertinent de déranger le nou-
«