Le royaume d’Icare

De la main, il propose de débuter la partie. Durant la joute,
John surprend plusieurs fois son adversaire à rêver, l’œil
baigné de tristesse. Sur l’échiquier, Ekenstein abandonne
au vingt-neuvième coup dans une position stratégiquement
perdue.
— J’ai oublié certaines positions, sourit-il. Je n’aurais jamais
cru cela possible. Votre manière de contrôler le centre
est très originale. Dommage, je suis sans inspiration aujourd’hui.
Aux autres tables, les maîtres sont impitoyables d’efficacité
devant les trois universitaires d’Oxford que Lord Bennett
a incorporés à l’équipe anglaise. Le diplomate a aussi suscité
la tenue d’un petit colloque sur la psychanalyse a la fin du
tournoi. Projet soutenu financièrement par l’armée qui veut
des précisions quant aux actions « clés » qui permettraient
de verrouiller et de déverrouiller l’inconscient d’un individu.
Hensen a saisi l’occasion de revoir Londres et il fait un
retour surprise en compétition. Le Suisse doit d’ailleurs exécuter
quelques pirouettes tactiques en troisième ronde afin
de sauver une cavalerie au pas incertain. Il tend une main
amicale que John accepte sans réfléchir. Partie nulle.
La situation devient sérieuse pour Hackerman, invaincu.
Trop confiant, Itchkoff s’est fait surprendre, Ekenstein
se trouve dans un état pitoyable et Hensen est rouillé, c’est
clair, s’est convaincu le gros Américain. Quant à l’âge de l’Anglais,
Samuel était champion du Midwest avant d’avoir fêté
ses dix ans. Pas question de crier au prodige. Bennett l’a bien
préparé mais il n’a pas pu lui transmettre son expérience
concrète.
Hackerman a concocté une formation classique pour répondre
à la sortie du cavalier roi que Nilsson avait utilisée
précédemment mais le jeune homme ouvre du pion roi.
Opportuniste, l’Américain s’engage avec les noirs dans une
variante de l’espagnole fermée où on le dit impossible à dé-
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