Le royaume d’Icare

Le soir où monsieur sort madame — les autres soirs il manie
la pute — Miguel monte une scène de vol par effraction.
Coffre et tiroirs vidés, meubles et tableaux déplacés, il ficelle
et bâillonne Marguerita. Non sans l’avoir baisée attachée,
selon son souhait, un gros collier de diamants au cou. Elle y
tenait la Marguerita. Une adorable vicieuse.
Dans le wagon derrière, Belladona entend un carabinier
demande qu’on verrouille. Belladona ralentit le pas. Ne pas
attirer la suspicion. Ils ont sûrement travaillé la petite. On l’a
fait larmoyer dans le rôle d’une escroquée d’amour, pour la
clémence publique, la menaçant de « détails incongrus » qui
n’existent pas plus que les dragons, mais font peur à toutes
les Marguerita de la terre. Miguel aurait dû la mettre au parfum,
au cas. Quand on n’en bave pas d’admirer son derrière,
elle perd toute assurance, la petite. Peut-être qu’il y a une
récompense et là, les gendarmes se sont trouvé des ailes. Ce
doit être une sacrée prime parce que les carabiniers y vont
du grand spectacle. Pas moyen de s’enfuir, la gare se remplit
de casqués. Pile à la frontière, pas de pot.
Miguel a fait balader des bijoux par courrier discret. Rien
sur soi, ça sauve la mise. Il a parlé de Trieste à la bourgeoise
et de Grèce à Marguerita pourtant. Devant lui, le wagon des
premières. L’accès n’est pas surveillé. Sa dernière chance.
— Tends-moi la main Madone, murmure-t-il.
La mère de Miguel, la comtesse S., est de noblesse espagnole
de vieille souche. Un caniche luxueux et coquet, bien
élevée et spirituelle, avec pedigree tamponné, qu’on offre
au comte, tout aussi vieux de souche et pur de race, pour ses
loyaux services dans l’effort à proclamer roi Alphonse XII.
La dame s’avère exquise, le comte manque de couleurs et
d’actualité. Elle s’ennuie jusque sous lui et impose en conséquence
un horaire sévère. Une de ses rares distractions pas-
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