Le royaume d’Icare

chandise, c’est toujours le dernier colis qu’il saute, le plus
gros dans ce cas-ci. Ça laisse planer un doute. Mais Miguel
connaît le refrain. Il a même laissé un mot au cas où. L’injure,
après l’insulte d’une boîte emplie de gravier. Il s’est ensuite
rendu au Café des sportifs. Y bourdonnent de commentaires
acides une trentaine d’amateurs. Il repère une bonne
bourse, s’insère dans la conversation et critique les coups du
monsieur qui finit par s’en irriter.
Débutant avec les blancs. Il tend un piège puis un autre à
son adversaire, qui ne voit rien. Loin de mettre ses menaces
à exécution, il laisse au contraire son pigeon prendre avantage
de coups imprécis qu’il applique avec complaisance sur
l’échiquier. Un seul spectateur émet des commentaires intelligents,
mais Miguel le foudroie aussitôt :
— On né parle pas, il y a dé l’argent en jeu.
Le jeune homme, mince, les cheveux bruns bouclés, disparaît
dans un haussement d’épaules. Bon, maintenant qu’il ne
reste que des enculés, le spectacle peut commencer.
En partie rapide à l’argent, il faut toujours laisser le pigeon
gagner la première, question de le vautrer dans ses tics et sa
complaisance. La joute perdue, Miguel allonge la somme.
— Une autre demande son adversaire.
— Jé toute la nuit, monsieur.
— À la bonne heure.
— Deux billets la partie, d’ajouter Miguel.
L’homme acquiesce tout en commentant le caractère fougueux
des Italiens. Miguel lui laisse même gagner cette seconde
joute. À l’autre table un vieux rigolo clame :
— … et une bonne poire en face de soi ! Garçon! C’est ma
tournée.
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