Le royaume d’Icare

ardeur des résistants à protéger la patrie est la cause de bien
des malheurs. D’abord un tas de balles perdues, toutes aussi
vagabondes que les boulets, puis le pillage en règle de la ville
une fois la bataille perdue. Des soldats font irruption. Elle et
lui sont violés. Quand il reprend conscience dans le silence
et la noirceur, il trouve Karmina par terre dans l’autre pièce,
morte.
Une exécution publique exemplaire a lieu, tous sont forcés
d’y assister. Et pour en rajouter, les soldats puisent sans
gêne dans les maigres ressources des villageois. L’occupation
militaire s’éternise, la pénurie des biens aussi. Bjelica
est tombé dans un état d’apathie profond.
Il reste couché tout le jour, négligeant de se laver et de se
raser, se perdant dans l’étude de problèmes de géométrie.
Les soldats qui occupent le village auraient grandement facilité
la vie au joueur d’échecs, mais les pièces demeurent
dans leur tombeau sous une couche de poussière, de plâtre
et d’oubli. Le petit Karl chipe des légumes et du pain, gagne
quelques sous pour un service rendu ici et là, mais cela ne
suffit qu’à consoler leurs estomacs et à supporter le froid. Il
tente sans succès de réanimer Bjelica, sa seule famille maintenant,
jusqu’au jour où, dans une authentique illumination,
il dit vouloir apprendre à jouer aux échecs.
Bjelica reprend goût à la vie en élaborant un programme
d’étude pour le jeune. Il imagine même un manuel tout en
images. C’est alors qu’une étonnante nouvelle leur parvient.
Un pacte conclu à Brest-Litovsk signe l’arrêt des hostilités
en terre polonaise, même si la guerre perdure en Europe.
Alors que la Finlande proclame son indépendance en juillet
1917, les bolcheviks fomentent une rébellion et s’emparent
du pouvoir à Moscou en fin d’année. Lénine est transporté
en Russie dans un wagon blindé allemand, muni d’un saufconduit
du Reich. Une fois en place, il négocie une trêve avec
les empires centraux qui piétinent sur le front ouest.
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