Le royaume d’Icare

nue prospère pour prendre demeure dans la banlieue aisée
de Boston sur la côte.
La maison de pierres qu’ils habitent y est si belle comparée
à celle de vieux bois que Mary Lou a quittée. Boston est
agréable à vivre mais l’instruction religieuse et morale est
sévère. Des gens bien habillés et instruits vous saluent au
passage et notent tous vos petits travers. Habituée à vivre
seule avec des hommes plus vieux, la mère de Jill s’accommode
mal des « becs fins » qui ne savent que bien s’ennuyer;
elle devient gourmande de distractions. Inaptes à s’intégrer
à la bonne société et ne sachant s’occuper, ses parents s’éteignent
en quelques années, son père enterrant sa femme
avant de mourir quelques semaines après. Mary Lou se retrouve
héritière, la vingtaine entamée.
Deux années d’une vie oisive, épicée de longs séjours à New
York, épisodes qu’une rumeur commente en sourcillant,
érode sa fortune. Mary Lou se résigne à vivre en permanence
à Boston où elle épouse un médecin cultivé d’origine canadienne
française, d’une quinzaine d’années son aîné, tombé
amoureux de l’esprit singulier et de la beauté sauvage de la
jeune dame. Mary Lou tombe rapidement enceinte.
Le père de Jill s’est enrichi grâce aux soins attentionnés
qu’il porte à ses patients. Une discipline et une discrétion
qu’il tient de son père. L’arrière-grand-père de Jill et certains
cousins du grand-père, un notaire de Québec, s’étant
compromis lors de la révolte des patriotes français. La famille
déménagea aux États-Unis pour éviter d’éventuelles
représailles. Le grand-père de Jill dut travailler fort pour se
refaire un cabinet d’avocat dans la région et instruire ses enfants.
L’ex-notaire perdit sa femme et tous ses enfants, sauf
le plus jeune, lors d’une épidémie de choléra causée par un
puits infecté. Le fils fut à la mesure du père, médecin dévoué
à son travail et d’un conformisme servile, il se fit une clientèle
en étant disponible en tout temps.
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