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Culture, patrimoine, création - Cluster 13

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PEUT-ON, DOIT-ON VIVRE DU TRAVAIL DE CREATION <br />

QUELLES CONDITIONS D’EXISTENCE, DE MAINTIEN ET DE DEFINITION(S) DU TRAVAIL « DE VOCATION » <br />

ETUDE COMPAREE DE LA PRISE EN CHARGE SOCIALE D’UNE PROFESSION EN FRANCE ET AU BRESIL : LES<br />

CERAMISTES<br />

Au Brésil, comme en France, le céramiste tel qu’il peut être conçu aujourd’hui, à savoir inscrit dans un<br />

« monde de l’art », constitue une figure récente dans le paysage de la création contemporaine. Dans les années<br />

1960 en France comme au Brésil, l’activité de céramiste se démarque peu à peu du « métier » et de<br />

l’accomplissement d’un certain nombre de savoir-faire traditionnels, pour s’inscrire dans un régime de singularité,<br />

caractéristique de l’artiste contemporain. Cet événement, dans le milieu céramique, marque le passage d’un travail<br />

marqué par l’artisanat et la tradition – par ailleurs souvent porteuse d’un caractère ethnique au Brésil – à un travail<br />

dont le résultat pourrait s’apparenter à « du superflu » et à de « l’art pour l’art », en dépit du caractère utilitaire de<br />

certaines productions.<br />

Ainsi, être céramiste recouvre aujourd’hui un éventail large d’activités, de celle du potier à celle de plasticien, en<br />

allant même parfois effleurer celle du designer. Exercer une telle profession en France n’octroie pas pour autant<br />

l’attribution d’un statut unique, puisque la loi met à disposition celui d’artiste (via une affiliation à la Maison des<br />

Artistes), d’artisan d’art, ou encore d’artiste libre (qui s’avère être une tolérance au sein du statut de profession<br />

libérale).<br />

Etre céramiste, c’est pourtant exercer une « activité productive objective socialement 1 », alors même que la<br />

définition « des limites du métier, des membres des professions artistiques et de la nature du travail artistique 2 » ne<br />

sont (doivent-elles l'être ) pas établies socialement ou institutionnellement. Être céramiste, c'est en quelque sorte<br />

cheminer entre plusieurs catégories établies, celle des métiers d’art, et celle de l’art contemporain, dans un flou<br />

formel et de contenu, par ailleurs revendiqué voire apprécié par certains professionnels 3 . Artiste, artisan d’art,<br />

deux épithètes dont le dénominateur commun reste cependant le fil conducteur de la création, travail de création à<br />

temps plein .<br />

La nécessité d’une définition sociale de la profession<br />

En adhérant à la définition qu'Eliot Freidson donne du métier, comme « une entreprise humaine organisée<br />

visant à l’accomplissement de tâches spécialisées auxquelles on reconnaît une valeur sociale 4 », nous le suivons<br />

également lorsqu’il considère que « le cas des professions académiques et artistiques nous oblige à dépasser le<br />

critère de la relation directe entre compétences productives et marché, pour constituer comme problème<br />

sociologique le développement de ces compétences productives, leur application à des objectifs particuliers de<br />

production, socialement définis, leur fonctionnement comme activités cohérentes à l’intérieur de la division du<br />

travail, les critères économiques n’étant ni adéquats ni réalistes pour définir ces métiers et pour identifier leurs<br />

membres 5 ».<br />

L’étude du groupe choisi, les artisans et artistes céramistes, permet de dégager des conclusions viables,<br />

dans la mesure où l’espace de sa pratique est délimité (travail de pièces uniques, à temps plein et sur la longue<br />

durée). Le travail et la position particulière de cette catégorie professionnelle, entre artisanat et art, ainsi que les<br />

valeurs et modes de vie qui l’imprègnent, ne correspondent pas nécessairement à celui d’autres corps des métiers,<br />

tels que la peinture, considérée comme faisant partie des Beaux-Arts, ou comme la danse, dont les conditions de<br />

pratique professionnelle ne sont pas assimilables.<br />

Cependant, malgré le flou qui entoure le travail de création des céramistes, (dans son contenu comme dans ses<br />

statuts et les conditions de son exercice), en quoi peut-on parler d'un groupe identifiable (d’un « corps de métier »,<br />

par exemple) dans le champ artistique, voire social Ce flou met-il au contraire en évidence l'existence d'un<br />

« groupe social non-identifié » N’existe-t-il pas pourtant un « esprit céramiste », terme employé par certains<br />

professionnels Par quels faits -objectifs ou subjectifs - les céramistes sont-ils fédérés et constituent-ils un groupe<br />

social dans lequel ils se reconnaissent <br />

1<br />

FREIDSON Eliot, « Les professions artistiques comme défi à l’analyse sociologique », Revue française de<br />

sociologie, 1986, Vol. 27, Numéro 3, p. 432.<br />

2<br />

Idem.<br />

3<br />

Ces premiers constats ont été établis à la suite d’une questionnaire effectué chez un petit échantillon (15 personnes),<br />

ainsi que sur la base d’entretiens semi-directifs effectués avec des céramistes français entre juin et octobre 2008.<br />

4<br />

FREIDSON Eliot, « Les professions artistiques comme défi à l’analyse sociologique », Revue française de<br />

sociologie, Op. cit. , p440.<br />

5<br />

Idem.<br />

Projet de recherche pour une ADR / Laboratoire CSRPC-ROMA – UPMF (Grenoble 2) 186

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