Culture, patrimoine, création - Cluster 13
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Je suis moins convaincu par les deux autres projets, mais mon point de vue pourra être discuté par<br />
les co-rapporteurs, et je ne suis jamais péremptoire quand je suis hésitant sur la qualité des projets.<br />
3° Genre et voix<br />
Je ne suis pas acousticien ; j’ai participé à des enquêtes de sociologie de la musique fondées sur<br />
l’écoute de morceaux choisis, présentés à l’aveugle, et sur lesquels on suscitait une évaluation (en<br />
matière de genre musical, de genre de type gender, et de plaisir esthétique). Je suis sorti assez déçu<br />
de l’expérience et je ne crois pas qu’elle ait donné lieu à d’amples publications. Le protocole<br />
d’enquête choisi est à la fois ambitieux et très vague. Le rapporteur ne peut se représenter ce qui va<br />
être fait, concrètement, et ne sait rien des modalités de traitement des données recueillies. En outre,<br />
l’équipe ne semble pas posséder de compétence avérée en matière d’esthétique musicale. Ces<br />
questions ne sont pas réductibles à des problèmes d’acoustique ou d’orthophonie. La composition<br />
des jurys aussi bien que le type d’épreuve auquel ils sont soumis étant opaque pour le rapporteur, il<br />
ne peut formuler qu’un avis très réservé.<br />
4° Peut-on, doit-on vivre du travail de création <br />
Le titre même de la proposition nous fait entrer de plain pied dans la confusion des genres : il<br />
n’appartient pas au sociologue de dire si l’on « doit » ou non vivre du travail de « création » <br />
Certains en vivent, d’autres pas, et il n’est pas de normativité sociologique dans ce domaine. Il<br />
s’agit, si l’on se fie à la lettre du projet, d’une contribution à la sociologie des professions, dont il<br />
existe une référence fort datée, à Eliott Freidson, alors que les travaux plus récents d’Andrew<br />
Abbott (The System of Professions date tout de même de 1988) ne sont pas cités et sont encore<br />
moins connus. Les travaux récents et français de Boltanski et de Chiapello et surtout de Menger<br />
sont dans la bibliographie, mais ne jouent aucun rôle dans la proposition, ce qui est regrettable<br />
surtout pour le dernier, référence aujourd’hui incontestée dans le domaine. La référence à Nathalie<br />
Heinich ne fait pas le poids sous ce rapport : la notion de « régime vocationnel » sonne bien, mais<br />
elle n’ouvre sur aucun espace d’enquête. La proposition reste imprécise : pas de problématique, pas<br />
de justification de la dimension comparative (pourquoi le Brésil plutôt que la Pologne ou<br />
l’Angola ), pas de description du protocole d’enquête (je vous mets une petite enquête quantitative,<br />
fermée, mais je ne vous dis pas ce que je mets dedans pour asseoir une enquête qualitative plus<br />
approfondie, dont je ne vous dirai rien. Ce projet aurait pu être écrit il y a trente ans dans les mêmes<br />
termes : il est ignorant de tout ce qui s’est fait dans le domaine depuis un quart de siècle et exprimé<br />
en un langage extrêmement incertain. Si on me dit qu’il s’agit là d’une proposition de recherche<br />
articulée, je reste sans voix.<br />
J’ai de l’estime pour le porteur du projet et suis fort embarrassé de critiquer encore une fois un<br />
projet sociologique venant de Grenoble, mais il me semble que l’on doit exiger de la sociologie<br />
autant que des disciplines issues des humanités. Or ce projet est le plus « littéraire » au mauvais<br />
sens du terme de tous ceux que j’ai eu l’occasion d’examiner. Je souhaiterais une évaluation<br />
complémentaire pour être plus sûr de moi, mais dans l’état actuel de mon information je ne peux<br />
qu’émettre un avis défavorable.<br />
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