COUV ACTES - Psychologie communautaire

Community Psychology: Common Values, Diverse PracticesSi ce passage de l’intime au politique semble être une étape nécessaire au travail de « PsychologieCommunautaire », il soulève néanmoins plusieurs enjeux. Il interroge non seulement la capacité du groupe à sepenser comme « acteur social » mais renvoit aussi à chacun la possibilité d’entendre que d’autres peuvent avoirdes positions divergentes et vivre le processus différemment.Ma clinique en Service de Santé Mentale me confronte régulièrement à des hommes qui oscillent entrerevendications et remords, entre colère et tristesse, entre espoir et désespoir,… Très peu d’entre eux parviennentà définir les motifs qui les amènent à pousser la porte. L’analyse de leur situation sociale et de leur contexte devie permet cependant de comprendre leur besoin de se déposer, surtout de se reconstruire. Ces histoiressingulières, dont je suis un témoin privilégié, se déposent exclusivement dans un cadre individuel. La sensationd’être seul face à certaines injustices crée, chez beaucoup d’entre eux, un sentiment d’impuissance,accompagné la plupart du temps, d’un brouillage de l’avenir où la situation n’a plus d’issue… et le cadre de maconsultation psychosociale s’avère souvent insuffisant à la (re)construction psychique de ces hommes.Que proposer à ces hommes emprunts de souffrances et dont les ruptures multiples créent un sentiment desolitude ? Comment les sortir de cet isolement et travailler leurs difficultés au dehors d’un Service de SantéMentale souvent considéré comme stigmatisant ? Comment aussi les aider à travailler les versants positifs deleurs savoirs expérientiels aux fins de les sortir de cette position ? Autant de questions partagées par notreCollectif.Mais ce travail en santé mentale communautaire n’est pas un long fleuve tranquille ; il n’est pas exempt dedoutes, de questionnements et de défis. Nous avons souhaité en partager quelques-uns avec les membres del’atelier.«Faut-il faire le deuil d’un projet construit ? » La santé mentale communautaire s’inscrit dans un processus, maisle concept de projet n’est pas absent de nos pratiques. Quelle serait la fonction d’un projet selon notre approchecommunautaire ? Doit-il être conçu comme une finalité, avec un cadre garant et clair (analyse des besoins,objectifs, résultats) ? Dans ce cas, le désir d’action ou de changement préexiste et le professionnel sait par où ilfaut aller pour y arriver… Ou bien faut-il davantage envisager le projet comme un projet-prétexte, sorte de ported’entrée, d’occasion pour du travail communautaire ? Ici, le sens serait créé au fur et à mesure et le rôle du projetserait de donner une impulsion pour que le groupe devienne autre chose…Le deuxième questionnement concerne le paradoxe de la position du professionnel dans les démarchescommunautaires. Dans ce type d’interventions, les professionnels sont sensés travailler le plus possible dans« l’horizontalité » avec les participants, les habitants, les usagers. N’y aurait-il pas quelque chose de paradoxalen soi à impulser ou s’insérer dans une démarche communautaire à partir d’une position de professionnel ? Cetteposition est-elle tenable ? Penser la place du professionnel au même titre que celle des participants ne constituet-ilpas un leurre en soi ? Vouloir occuper une place équivalente à celle des participants, n’est-ce pas illusoire ?245