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Cyvard MARIETTE Louis-Claude Saint-MARTIN Les Décennies 19 ...

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ces idoles pouvaient y pénétrer : toute bonne philosophie serait perdue, tous les progrès des<br />

connaissances seraient arrêtés, et c'est pour cela que je regarde comme un devoir sacré, dans<br />

un professeur de l'analyse, de traiter ces idoles avec le mépris qu'elles méritent (1). »<br />

(1) Débats, t. 3, p. 21.<br />

[328] Peu de minutes avant cette terrible conclusion, il s'en était fallu de fort peu que la<br />

question ne fût mise aux voix. ici en très grand nombre, disait le professeur, nous sommes<br />

deux ou trois mille personnes ; je vous invite donc, citoyens, à vous recueillir au fond de vos<br />

âmes, et à vous demander si les sensations que vous avez reçues et gardées de la chaleur, de<br />

l'éclat et du mouvement apparent du soleil, et la connaissance de cet éclat, de cette chaleur, de<br />

ce mouvement, sont pour vous deux choses différentes, ou si elles ne sont pas une seule et<br />

même chose sous deux points de vue et sous deux dénominations (1). » La majorité était, sans<br />

aucun doute, au professeur; <strong>Saint</strong>-Martin, après avoir répété sa profession de foi, n'eut plus<br />

qu'à se rasseoir, bien dûment convaincu de platonisme, de cartésianisme, de malebranchisme.<br />

Ainsi condamné, Galilée, agenouillé pour confesser erreur ce qu'il savait vérité, se releva pour<br />

prononcer le fameux et pur si muove; « et pourtant, dit <strong>Saint</strong>-Martin<br />

(1) Débats, t. 3, p. 21.<br />

[529] en se rasseyant, les sensations que je reçois du soleil et l'idée que j'ai de cet astre n'en<br />

sont pas moins deux choses éminemment différentes ; et pourtant il y a, outre les impressions<br />

éparses de chaleur, d'éclat, que je reçois, l'impression complexe où se trouvent confondues<br />

toutes ces impressions de détail par une faculté tout autre que la sensibilité qui a reçu cellesci.<br />

» La question mise aux voix, et résolue dans le sens du professeur, n'eût pas été un des<br />

moins singuliers épisodes de l'histoire des assemblées délibérantes.<br />

La philosophie de Kant avait fait, à cette époque, de grands progrès en Allemagne ; son<br />

influence sur la littérature était immense : depuis plusieurs années, il n'avait pas paru un seul<br />

livre de quelque importance qui ne s'y rattachât plus ou moins directement. Elle continuait en<br />

même temps à se développer sous sa forme propre, mais d'abord presque exclusivement par<br />

son côté purement idéaliste. Or, l'organe le plus éloquent, le représentant principal de cette<br />

nouvelle phase de la pensée allemande, fut Johannes-Gottlieb Fichte. Né dans la Haute-<br />

Lusace, successivement [330] professeur à léna, à Erlangen, à Berlin, Fichte fut le<br />

contemporain de Kant. A une époque pénible de sa propre vie, il se trouva même en rapport<br />

avec ce dernier. <strong>Les</strong> premiers pas de Fichte dans la vie furent amers et douloureux : il connut<br />

l'inconstance du sort, les caprices des hommes, les pressants aiguillons du besoin. Force lui<br />

fut de ployer son génie superbe et hautain aux conditions les plus humbles, aux emplois les<br />

plus subalternes. Contraint d'abandonner l'éducation d'un gentilhomme polonais qu'il<br />

accompagnait, il passait par Königsberg pour retourner dans sa patrie : là, il fut l'auditeur et le<br />

commensal de Kant. Il avait écrit le livre de la critique de toutes les révélations, pour s'en<br />

faire un moyen d'introduction auprès de ce dernier. Le passage suivant d'un journal écrit de sa<br />

propre main, et publié par son fils il y a quelques années, suffit pour donner une idée de la<br />

situation où il se trouvait en ce moment : « Le 27 juin 178... Je termine ce journal après avoir<br />

fait des extraits des leçons de Kant sur l'anthropologie, que m'a prêtées M. de S.... Je prends la<br />

résolution de continuer ce journal…<br />

[…]<br />

Affichage du livre entier<br />

décennies 1830_1839<br />

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