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Cyvard MARIETTE Louis-Claude Saint-MARTIN Les Décennies 19 ...

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Il résulte de tout le mouvement philosophique de notre temps, comme nous croyons l'avoir<br />

fait suffisamment pressentir, que ces sortes de tentatives n'étaient pas autant à dédaigner<br />

qu'elles ont dû le paraître aux époques où la manière de philosopher de Descartes, de Bacon et<br />

de Locke prévalait impérieusement. Nous pensons que l'esprit humain tend de toutes parts a<br />

se soustraire à leur joug, et qu'il est à la veille de se livrer à la systématisation synthétique<br />

avec autant d'obstination qu'il en a rois, pendant les trois siècles d'où nous sortons, à explorer,<br />

à l'aide de la méthode analytique, tous les filons de la connaissance expérimentale. Le second<br />

mouvement aura plus de grandeur, comme aussi de plus durables résultats : il correspond a la<br />

nécessité d'édifier, comme l'autre a celle de détruire ; il est organique, comme l'autre était<br />

critique ; il rétablira la paix et l'harmonie dans tous les domaines de la science, il conciliera les<br />

diverses branches également importantes de l'arbre encyclopédique, lesquelles ne pouvaient<br />

atteindre a leur perfection respective, par cela [415] seul qu'on les avait constituées en<br />

hostilité réciproque ; il légitimera par la science les pressentiments du poète ; il donnera un<br />

sens à l'histoire ; il fera de l'érudition une puissance philosophique et de la religion un<br />

flambeau.<br />

Nous ne pouvons mieux entrer dans l'appréciation des écrits de Bœhme et de son disciple<br />

<strong>Saint</strong>-Martin qu'en montrant à quel point tous deux avaient pressenti, et avec quelle netteté et<br />

quelle éloquence ce dernier avait formulé, dès le commencement de ce siècle, l'importante<br />

distinction qu'on doit établir entre la raison critique, procédant par voie syllogistique et<br />

analytique, à l'aide des formes ou catégories fournies par l'entendement, et la raison pure ou<br />

intuitive spéculant sur une hypothèse ou croyance émanée d'un foyer supérieur. Quiconque se<br />

sera suffisamment pénétré de l'esprit actuel de la discussion philosophique en Allemagne, si<br />

bien résumé par M. Amédée Prévost à propos de F. Jacobi (1) 11 , sentira bien que c'est la le<br />

point capital, le levier destiné à soulever un nouveau monde intellectuel, et ne pourra<br />

s'empêcher d'être frappé de la singulière coïncidence des vues de l'école mystique avec celles<br />

des écoles le plus justement célèbres. On lit au Ministère de l'Homme-Esprit, pages 407 à 410<br />

(ouvrage de <strong>Saint</strong>-Martin) :<br />

« Pourquoi les instituteurs religieux des peuples ont-ils souvent défendu que l'on marchât par<br />

la raison ? C'est qu'ils n'ont pas fait attention que s'il y a une raison humaine qui est contre la<br />

vérité, il y a aussi une raison humaine qui est pour elle. Ils sont sages et prudents lorsqu'ils<br />

nous défendent la première espèce de raison ; car, en effet, elle est l'ennemie de toute vérité,<br />

comme on le voit aisément aux outrages que font à cette vérité les docteurs dans les sciences<br />

externes qui sont l'objet et le résultat de la simple raison de ce monde naturel. La principale<br />

propriété de cette espèce de raison est de craindre l'erreur, et de ne se li-[416]-vrer qu'avec<br />

défiance a ce qui est la vérité. Toujours occupée de scruter les preuves, elle ne laisse presque<br />

jamais à l'esprit le temps de goûter le charme des jouissances vives. Elle a une marche<br />

ombrageuse qui empêche que le goût du vrai ne pénètre jusqu'à elle. Voila ce qui entraîne à la<br />

fin les sociétés savantes dans l'incroyance, après les avoir retenues si longtemps dans le doute.<br />

» Mais ils ne seraient plus ni sages ni prudents, s'ils nous défendaient l'usage de la seconde<br />

espèce de raison, parce que cette seconde espèce de raison est au contraire le défenseur de la<br />

vérité. C'est l'œil perçant qui la découvre continuellement et ne tend qu'à en faire apercevoir<br />

les trésors ; et, loin que sous ce rapport la raison soit condamnable, ce sera au contraire un<br />

crime pour nous de ne l'avoir pas suivie, puisque ce présent avait été fait à tous les hommes,<br />

dans le seul et unique but qu'ils s'en serviraient, et dans la persuasion où est l'agent suprême<br />

que ce flambeau, en se présentant humblement au foyer de la lumière universelle, eût suffi<br />

pour nous apprendre tout et nous conduire à tout.<br />

11 (1) Voir notre livraison de février.<br />

décennies 1830_1839<br />

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