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Cyvard MARIETTE Louis-Claude Saint-MARTIN Les Décennies 19 ...

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muse civilisatrice, il essaie de marquer le passage de l'âge héroïque à l'âge humain, et de<br />

donner ainsi, sous la formule poétique, l'histoire idéale et mystique des premières évolutions<br />

de l'esprit humain dans les temps antiques.<br />

Ce qui distingue surtout Ballanche de Herder, c'est la pensée religieuse beaucoup plus intime<br />

et plus profonde qui semble le rapprocher de l'illuminisme de <strong>Saint</strong>-Martin, à part les ténèbres<br />

mystiques qui altèrent ce théosophe ; c'est la base chrétienne qui supporte toutes ses théories<br />

idéales ; c'est cette loi première, universelle de l'initiation douloureuse' par laquelle chaque<br />

homme, chaque peuple, le monde entier ont passé et passeront dans leurs phases de<br />

renouvellement ; c'est l'idée primitive de l'épreuve et de l'expiation, notion sainte, ayant sa<br />

racine dans celle de la chute et de la réintégration de l'homme, et qui forme le double tissu de<br />

la vie des hommes ici-bas, jusqu'à ce que, la dernière épreuve terrestre étant consommée,<br />

l'humanité subisse sa définitive transformation, pour être, de là, tout entière transfigurée et<br />

renouvelée dans le ciel.<br />

Autour de Ballanche, de ce Bernardin de <strong>Saint</strong>-Pierre des harmonies sociales avec plus de<br />

spiritualisme et de religion, de cet homme dont la parole est plus douce que le miel, ***,<br />

comme parle Homère, il s'est formé de nos jours, et dans notre pays, une fertile et brillante<br />

élite d'écrivains, poètes, rhéteurs, jurisconsultes, qui ont aussi placé le résultat de leurs<br />

recherches sous le jour si pur, naguère encore si nouveau, de la science nouvelle. L'histoire,<br />

depuis quelques années, dans les chaires et dans les livres a été philosophique ; et l'histoire de<br />

France, dans les éloquentes leçons professées à la Faculté des Lettres par M. Guizot, a eu son<br />

érudit interprète, comme l'histoire romaine avait suscité [170] l'allemand Niebuhr ; tous les<br />

deux ont subordonné les résultats positifs de leurs vastes travaux au cercle philosophique du<br />

développement évolutif, qui semble être la découverte ou la conquête du génie de l'histoire au<br />

dix-neuvième siècle.<br />

Et bien plus, nous avons vu, dans nos derniers jours, un spectacle, dirai-je un triomphe, que la<br />

science n'avait dû jamais se promettre de voir réalisé. Nous avons vu la formule de l'avenir<br />

des sociétés selon la nouvelle doctrine philosophique croître et se développer soudainement,<br />

au point de briser les limites trop resserrées de l'enseignement scientifique ou littéraire ; au<br />

point de se construire un autel avec les d »bris de doctrines déjà vulgaires dans les livres et<br />

dans les écoles, de se poser comme religion, et de faire un appel à la foi des peuples, afin de<br />

convertir des croyances philosophiques sur les phases et les rénovations de la société en un<br />

culte véritable, accompagné des cérémonies et des pratiques extérieures inhérentes aux<br />

religions positives; enthousiasme malheureux, qui a été jusqu'à diviniser la société ou la vie<br />

sociale, et à fonder dans les formes mystiques d'un nouveau panthéisme, et les lois, et les<br />

devoirs, et les biens de la vie individuelle, et tout ce que les hommes ont cru, aimé, cultivé et<br />

adoré sur la terre et au ciel. « L'âge d'or, que la poésie antique a placé au berceau des sociétés,<br />

disait <strong>Saint</strong>-Simon, n'est point derrière nous, mais devant nous. » Et, là dessus, ses disciples<br />

ont eu foi à cet âge d'or, et ils ont marché au devant, crédules et confiants ; et ils ont pensé, ils<br />

ont proclamé qu'ils allaient renouveler la merveille de la propagation du christianisme ; et ils<br />

se sont étonnés que leur nouveau culte, après avoir été l'objet de quelques regards distraits<br />

dans notre temps si fertile, où chaque jour voit éclore un événement social, se soit si vite<br />

évanoui dans le ridicule, dernier partage des tentatives que les hommes ont faites et inventées,<br />

et que n'ont pu soutenir ni la force ni la vérité.<br />

Et ainsi le <strong>Saint</strong>-Simonisme a joué son rôle ; il a vécu son jour, il a jeté sa lumière<br />

phosphorescente, et il n'est plus. C'est un fait qui par lui-même est très insignifiant, mais qui<br />

ne l'est pas comme symptôme ; il montre si l'on peut espérer désormais l'établissement d'une<br />

religion nouvelle. Aux disciples de <strong>Saint</strong>-Simon rien n'a manqué, ni le talent, ni les idées, ni<br />

l'enthousiasme ; ils ont presque obtenu le bonheur de la persécution, et ils ne sont plus. Or<br />

décennies 1830_1839<br />

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