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Cyvard MARIETTE Louis-Claude Saint-MARTIN Les Décennies 19 ...

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punit pas de ma vanité du temps passé, en permettant maintenant que mes supérieurs aient<br />

trop d'estime pour moi ! ” Il aurait dit volontiers avec le Philosophe inconnu que, par respect<br />

pour les hautes vérités, il eût quelquefois mieux aimé passer pour un homme vicieux et<br />

souillé, que pour un contemplateur intelligent qui parût les connaître : “ La grande et<br />

respectable vérité, s'écriait <strong>Saint</strong>-Martin dans un accès d'adoration, m'a toujours semblé si loin<br />

de l'esprit des hommes, que je craignais bien plus de paraître sage que fol à leurs yeux. ”<br />

M. Hamon était habituellement ainsi. Il raconte lui-même, dans une Relation ou confession,<br />

tracée à son usage, de quelques circonstances de sa vie, la première occasion qui le détermina<br />

à écrire. Avec quelle émotion n'en lisais-je pas les détails, qui me rappelaient des lieux si<br />

fréquentés de moi, des alternatives si familières à mon propre cœur !<br />

- “ La première fois, disait M. Hamon, que je vis M. de Saci, je lui demandai s'il y aurait du<br />

mal à écrire quelque chose sur quelques versets des Cantiques; il l'approuva fort, mais la<br />

difficulté était de commencer, et je ne savais comment m'y prendre. Comme j'allai à Paris, un<br />

jour que je n'avais fait que courir sans prier Dieu et dans une dissipation entière, toutes sortes<br />

de méchantes pensées ayant pris un cours si libre dans mon coeur et avec tant d'impétuosité,<br />

que c'était comme un torrent qui m'entraînait, je m'en retournais à la maison tout hors de moi,<br />

lorsque me trouvant proche l'église de <strong>Saint</strong>-Jacques dans le faubourg, j'y entrai n'en pouvant<br />

plus. Ce m'était un lieu de refuge : elle était fort solitaire les après-dîners. J'y demeurai<br />

longtemps, car j'étais tellement perdu et comme enterré dans le tombeau que je m'étais creusé<br />

moi-même, qu'il ne m'était pas possible de me retrouver. Quand je commençai d'ouvrir les<br />

yeux, la première chose que je vis fut ce verset du cantique : Sicut turris David collum tuum<br />

quae aedificata eit cum propugnaculis. Je m'y appliquai fortement, parce que j'étais fort las de<br />

moi et de mes fantômes. Comme il me sembla que cela m'avait édifié, je résolus de l'écrire,<br />

etc. ” Tout palpitant de ces lectures, j'entrais aussi dans cette église de <strong>Saint</strong>-Jacques-du-Haut-<br />

Pas : c'était celle même où j'avais entendu la messe dès le premier matin et dès le premier<br />

dimanche que j'avais passés à Paris. En songeant à ce jour de loin si éclairé, j'étais comme un<br />

homme qui remonte sa montagne jusqu'au point d'où il est parti, mais sur un rocher opposé à<br />

l'ancien : le torrent ruineux gronde dans l'intervalle. Je m'approchais en cette église vers<br />

l'endroit du sanctuaire où est le tombeau de <strong>Saint</strong>-Cyran ; M. Hamon n'avait pas manqué de<br />

s'y agenouiller avant moi, et je me répétais cette autre parole de lui : “ Il n'y a tien qui nous<br />

éloigne tant du péril qu'un bon sépulcre. ” Et quel était ce péril de M. Hamon au prix du<br />

mien?<br />

Quelles étaient ces méchantes pensées, dont il s'accusait avec tant d'amertume dans ses<br />

courses un peu distraites, au prix de l'emportement du moindre de mes assauts ? Et méditant<br />

cette parole de lui encore : “ Il faut avoir demeuré longtemps dans un désert et en avoir fait un<br />

bon usage, afin de pouvoir demeurer ensuite dans les villes comme dans un désert ”, je<br />

combinais une vie de retraite aux champs, à quelques lieues de Paris, à Chevreuse même, près<br />

des ruines labourées du monastère, ne venant de là à la grande ville qu'une fois tous les quinze<br />

jours, à pied en été, pour des objets d'étude, pour des livres à prendre aux bibliothèques, pour<br />

deux ou trois visites d'amis graves qu'on cultive avec révérence, et m'en retournant toujours<br />

avant la nuit.<br />

Je retrouvais exactement dans ces projets simples l'impression chastement puérile des temps<br />

où je rêvais d'apprendre le grec à Paris, sous un pauvre petit toit gris et janséniste, ainsi que je<br />

disais. Il semble qu'à chaque progrès que nous faisons dans le bien est attaché, comme<br />

récompense intérieure, un arrière-souvenir d'enfance qui se réveille en nous et sourit : notre<br />

jeune Ange de sept ans tressaille et nous jette des fleurs. Je sentais aussi en ces moments<br />

décennies 1830_1839<br />

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