Cyvard MARIETTE Louis-Claude Saint-MARTIN Les Décennies 19 ...
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au dix-huitième siècle était si brillante et si forte, même par l'influence prépondérante qu'elle<br />
exerçait sur la pensée et la civilisation européenne, maintenant au dix-neuvième siècle se sent<br />
presque étrangère chez elle et ne sait plus comment s'orienter.<br />
Si nous revenons à considérer l'Europe en général, les principes libéraux ne sont pour elle<br />
qu'une rechute un peu modifiée vers la révolu[373]tion, et ils n'ont pas d'autre but; mais ils ne<br />
peuvent gagner une majorité parmi les hommes loyaux et bien intentionnés soit de l'Europe,<br />
soit d'un état particulier, qu'au moyen de fautes décisives, ou d'une grande dégénération dans<br />
un parti qui, au surplus, ne devrait pas en être un, ni en porter le nom ; dans le parti de ceux<br />
qui suivent les principes monarchiques par rapport à l'état, et les maximes religieuses par<br />
rapport au monde et à la vie.<br />
Cette règle sans intelligence et sans vie, d'un équilibre purement matériel, qui ne tend qu'à<br />
mettre un frein négatif à la prépondérance d'une puissance quelconque, tel que fut ce système<br />
né en Angleterre, qui gouverna l'Europe du dix-huitième siècle, a cessé d'offrir des garanties,<br />
et d'être applicable aux affaires actuelles ; car tous les remèdes qu'il aurait à présenter encore<br />
ne feraient qu'aggraver le mal, s'il venait à éclater. Encore une fois, ce n'est que dans la<br />
religion, prise comme base, que le monde, que chaque état, doit trouver salut et consolidation,<br />
remède et préservatif.<br />
Mais le plus grand danger de l'époque gît dans les écarts de l'absolutisme, qui pourrait abuser<br />
de ces principes religieux. Rien de plus pernicieux et de plus fatal, que si, dans l'esprit d'une<br />
réaction passionnée, le caractère et l'action révolutionnaire allaient se mêler à la cause<br />
légi[374]time ; si la passion venait à être érigée en principe de raison, en système seul valable<br />
et seul juste; si enfin la sainteté des idées religieuses n'était présentée et propagée que comme<br />
une chose de mode ; la vertu de la foi et de la vérité qui seules peuvent sauver les hommes et<br />
les âges, que dépendant plus aux yeux des hommes que d'une lettre morte, que d'une formule<br />
extérieurement articulée, tandis que la vraie vie, le principe générateur de la vie véritable ne<br />
peuvent être donnés que par l'esprit vivifiant de l'éternelle vérité. Dans la science l'absolu est<br />
le gouffre où se perd la vérité vivante, et qui ne représente à sa place qu'une idée creuse et<br />
qu'une vaine formule ; mais lorsqu'il s'agit de l'application et de la vie réelle, l'absolu dans les<br />
opinions et les actes se manifeste, sous la forme du faux esprit du siècle, de cet esprit qui,<br />
contraire au bien et à la plénitude de la vie divine dans l'éternelle vérité, règne ordinairement<br />
sur le monde, voudrait le maîtriser, et le jeter pour toujours dans une fausse voie et dans une<br />
confusion complète.<br />
L'esprit du siècle, qui dans ses projets de destruction, change de forme à tout moment, depuis<br />
qu'il s'est détaché de la vérité éternelle, et qu'il l'a prise pour son ennemie, se reconnaît<br />
précisément à cette tactique générale et constante; qu'il détache de tout son entourage<br />
historique [375] une particularité qu'il représente et pose comme le centre et le but universel,<br />
et que sans aucun égard pour l'histoire, il fait de cet incident un principe absolu ; avec un<br />
grand soin de donner pour passeport à ses erreurs quelques vérités ou du moins quelques<br />
ombres de vérité, sans lesquelles, il le sait bien, elles ne seraient ni actives, ni dangereuses.<br />
Mais le vrai centre et le but réel de l'existence de l'humanité, ainsi que de la vie d'un individu,<br />
ne se laissent pas extraire ainsi violemment, ne veulent pas être ainsi détachés de l'ensemble<br />
de la marche graduelle du développement naturel et ne peuvent être saisis que par une<br />
méthode toute relative et non absolue. La méthode passionnée de l'absolutisme n'est propre<br />
qu'à faire fuir l'esprit de vie, et à ne laisser en son lieu qu'une Lettre morte et propre à donner<br />
la mort. Il est impossible de prédire d'avance quelles peuvent être les idoles qu'encensera l'une<br />
après l'autre l'esprit du siècle, inconstant par sa nature, et passant facilement d'un extrême à<br />
l'autre.<br />
Qui empêcherait que la vérité éternelle ne fût elle-même une fois abusée et profanée, jusqu'à<br />
devenir l'idole du jour, c'est-à-dire jusqu'à voir les hommes prosternés devant sa forme<br />
apparente ? Car ce n'est qu'après cette image extérieure que peut courir l'esprit du siècle, qui<br />
décennies 1830_1839<br />
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