Traduction d'Alphonse Fresse-Montval - Notes du mont Royal

LES TRAVAUX ET LES JOURS. 25»
En butte à l'ignorance, aux chagrins, aux alarmes,
Durant cent ans enliers, l'homme, timide enfant,
Dans les bras maternels grandissait lentement.
185 Sitôt qu'avait fleuri sa jeunesse tardive,
Les douleurs en fanaient la beauté fugitive ;
Car le temps de sa vie, à peu de jours borné,
En proie à l'imprudence était abandonné ;
Jamais à son audace il n'interdit l'outrage ;
190 Jamais, rendant aux Dieux un légitime hommage,
11 n'a, selon le rite adopté des mortels,
D'un sang religieux arrosé leurs autels.
Aussi de Jupiter l'éclatante vengeance
A de cet âge impie abrégé l'existence,
193 Et des Dieux méconnus fait revivre les droits.
Mais après que la mort a rangé sous ses lois
Les mortels dont cet âge avait rempli le monde,
D'un séjour souterrain l'obscurité profonde
Pour eux s'ouvre, et soudain se referme sur eux ;
200 Leurs noms sont révérés, et leurs destins heureux.
D'airain par Jupiter fut fait le troisième Age,
Et du siècle d'argent il n'offrit point l'image.
Avides de combats, de carnage affamés,
Du frêne le plus dur tous les mortels formés,
205 Vivant sans nourriture, impétueux, robustes,
Se livraient sans remords à leurs penchants injustes.
Jamais du diamant l'inflexibiliié
N'égala de leurs cœurs l'atroce dureté :
Une force étonnante, une laideur horrible,
210 Un corps inébranlable, une main invincible,
Éternisaient leurs noms ; de spacieux palais
Que d'un airain brillant eux-mêmes s'étaient faits,
Mille ouvrages divers, où, perdant sa rudesse,
20.