Traduction d'Alphonse Fresse-Montval - Notes du mont Royal

LA THÉOGONIE. 81
» Eh! que m'importe un père au cœur dénaturé !
183 » N'a-t-il pas, le premier, fait insulte à sa race t »
La Terre, que son fils charme par tant d'audace,
Le met en embuscade et l'y cache en secret;
Puis, l'armant de sa faulx, l'instruit de son projet ;
Et la nuit, quand le Ciel, s'inclinant vers la Terre,
190 D'une étreinte amoureuse entre ses bras la serre,
Sur son père, aussitôt, Saturne s'élançant,
Le saisit d'une main, et de l'autre, dressant
Sur lui sa faulx aiguë autant qu'elle est immense,
Le frappe, et voue en lui l'amour à l'impuissance.
193 Mais ce n'est pas en vain que du Ciel mutilé
Le sang générateur sur la Terre a coulé ;
Et, les temps révolus, c'est de cette semence
Que la tiiple Erinnys a reçu la naissance,
Que sont nés les géants dont la pique au long fer
200 Et les armes d'airain lancent au loin l'éclair,
Et que partout, enfin, les forêts sont remplies
De nymphes qui chez nous ont le nom de Mclieg.
Quand du Ciel, cependant, par son fils mutilé,
Les membres créateurs dans l'espace ont roulé,
203 Ils tombent dans la mer qui long-temps les agite;
Une écume d'argent de leur sein est produite,
En couvre la surface, en revêt le contour,
Et bientôt une vierge en a reçu le jour ;
Dans le divin débris qui lut donna naissance,
210 Vers Cythère et vers Cypre a vogué dès l'enfance
La céleste déesse aux pudiques appas,
Et les fleurs, en tapis, y parfument ses pas.
Comme, du sein des flots, l'écume l'a produite,
Les mortels et les dieux la nomment Aphrodite;
213 Cythérée est le nom, qu'à Cythère elle a pris,