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ouleaux peints<br />

Notes à propos de La Chine et le Réel d’A<strong>la</strong>in Mazars et de King Hu de Hubert Niogret,<br />

par Martin Drouot.<br />

“L’Histoire est en face de moi comme un journal<br />

intime.”<br />

C’est sur cette phrase de Wang Bing que s’ouvre<br />

le film d’A<strong>la</strong>in Mazars, La Chine et le Réel. Judicieusement,<br />

le documentaire choisit de remonter<br />

le temps de nos jours jusqu’à 1989. Car les<br />

cinéastes de <strong>la</strong> 6ème génération ont beau être<br />

diplômés de <strong>la</strong> prestigieuse Académie de cinéma<br />

de Pékin, ils naissent au cinéma avec les massacres<br />

de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Tian’anmen au printemps<br />

de cette année-là. Alors que des étudiants,<br />

intellectuels et ouvriers dénoncent <strong>la</strong> corruption<br />

et demandent des réformes démocratiques, le<br />

gouvernement envoie l’armée et transforme <strong>la</strong><br />

manifestation en bain de sang. Contrairement<br />

au cinéma de <strong>la</strong> 5ème génération 1, ce nouveau<br />

cinéma naît de <strong>la</strong> nécessité de montrer le présent<br />

sans voile. Il est fini le temps de se pencher<br />

sur le passé, le temps des allégories pour déjouer<br />

<strong>la</strong> censure, et du 35 mm soigné. Si Epouses et<br />

Concubines de Zhang Yimou (1991) ou Adieu ma<br />

concubine de Chen Kaige (1993) sont l’apogée<br />

de <strong>la</strong> reconnaissance internationale du cinéma<br />

chinois, Wang Bing, Jia Zhangke, Wang Xiaoshuai<br />

ou encore Zhang Yuan, longuement interviewés<br />

dans La Chine et le Réel, dressent au même<br />

moment un portrait du pays en un tout autre<br />

style : le réalisme – loin d’être une exception<br />

dans le cinéma chinois puisque le réalisme<br />

socialiste, fortement inspiré par le cinéma<br />

d’URSS, a déjà dominé après <strong>la</strong> proc<strong>la</strong>mation<br />

de <strong>la</strong> République Popu<strong>la</strong>ire en 1949.<br />

Le cinéma chinois a en réalité toujours oscillé<br />

entre ces deux pôles, un réalisme toujours<br />

plus tranchant et un imaginaire toujours plus<br />

merveilleux, dont le cinéma hongkongais de studio<br />

est le zénith, al<strong>la</strong>nt jusqu’à créer un genre de<br />

cape et d’épée inscrit dans <strong>la</strong> culture nationale,<br />

le wu xia pian. Hubert Niogret consacre un documentaire<br />

au maître incontesté du genre, King Hu<br />

(Pékin, 1931; Taipei, 1997 – année de <strong>la</strong> rétrocession<br />

de Hong Kong à <strong>la</strong> Chine). Derrière l’apparence<br />

de divertissement de ce cinéma de genre,<br />

ses films tournent autour du territoire de <strong>la</strong> Chine<br />

Popu<strong>la</strong>ire sans jamais y entrer vraiment. L’Histoire<br />

semble derrière King Hu comme un livre noir.<br />

le wu xia pian entre passé et présent<br />

Acteur célèbre à Hong-Kong, Chin Chang Hu<br />

réalise des films en s’américanisant sous le<br />

nom de King Hu et connaît son premier succès<br />

avec L’Hirondelle d’or (1966). Hubert Niogret<br />

interroge ceux qui l’ont connu, acteurs, producteurs,<br />

assistants, et offre une image de<br />

l’homme bien loin du clown qu’il savait être à<br />

l’écran. Homme cultivé, il donne au cinéma ses<br />

lettres de noblesse, le considérant comme un art<br />

et non comme un pur divertissement, contrairement<br />

à ses contemporains. La productrice<br />

et critique Peggy Chao insiste sur son sens<br />

p<strong>la</strong>stique. L’apparition et <strong>la</strong> disparition des<br />

personnages dans <strong>la</strong> nature, les visages peints<br />

qui définissent le personnage en lui donnant<br />

un âge, une appartenance sociale, un caractère,<br />

ou encore les combats chorégraphiés comme<br />

des danses sont autant de survivances de<br />

l’opéra traditionnel de Pékin. La violence y<br />

devient même une forme d’abstraction, pour<br />

preuve <strong>la</strong> très faible représentation du sang<br />

dans ses films.<br />

L’autre aspect de <strong>la</strong> personnalité de King Hu<br />

bien mis en valeur dans le documentaire est<br />

sa capacité de travail titanesque. Son perfectionnisme<br />

ne va pas sans une certaine lenteur<br />

– ce qui dép<strong>la</strong>ît à <strong>la</strong> Shaw Brothers qu’il quitte<br />

pour réaliser des films à Taiwan dès 1967. S’il<br />

se prête à tous les rôles, de <strong>la</strong> calligraphie<br />

pour le générique au dessin de chaque p<strong>la</strong>n,<br />

de <strong>la</strong> construction des décors au jeu devant<br />

ses acteurs, chacun de ses projets de film<br />

commence par une importante recherche historique.<br />

Pour Dragon Inn (1967) et Touch of Zen<br />

(1969), il s’est précisément documenté sur le<br />

pouvoir des eunuques sous <strong>la</strong> dynastie Ming.<br />

Dans le premier film, l’auberge du Dragon réunit<br />

les exilés à <strong>la</strong> frontière, tandis que dans Touch<br />

of Zen, après l’assassinat de son père, <strong>la</strong> jeune<br />

Yang lutte contre les hommes du grand Eunuque<br />

avec deux hommes rencontrés dans sa fuite,<br />

un moine bouddhiste et un intellectuel aux<br />

méthodes de combat poussées. Il s’agit alors<br />

de créer un contre-pouvoir.<br />

King Hu<br />

2011, 48', couleur, documentaire<br />

réalisation : Hubert Niogret<br />

production : Les Films du Tamarin, Filmoblic<br />

participation : <strong>CNC</strong>, Ciné +<br />

King Hu (1932-1997), né à Pékin, installé<br />

à Hong Kong puis à Taiwan, fut acteur<br />

avant de réaliser L’Hirondelle d’or en 1966.<br />

En quelques films, il a renouvelé le genre wuxia<br />

(films de sabre), influençant durablement<br />

le cinéma chinois. Pour composer son portrait,<br />

Hubert Niogret recueille entre autres<br />

les témoignages de Poon Yiu-Ming, directeur<br />

de <strong>la</strong> <strong>revue</strong> Ming Pao, et Peggy Chiao,<br />

historienne et productrice, les illustrant<br />

d’extraits de films.<br />

L’Hirondelle d’or est l’emblème du nouveau<br />

souffle que veut donner Hong Kong au wuxia,<br />

en s’inspirant de l’âge d’or du cinéma japonais.<br />

King Hu travaille en érudit sur les détails :<br />

<strong>la</strong> cohérence historique, le folklore chinois.<br />

Affichiste et décorateur de formation,<br />

il est le premier à réaliser des story-boards ;<br />

il calligraphie les génériques de ses films<br />

et il intègre dans ses images les espaces<br />

b<strong>la</strong>ncs, ouverts, des techniques picturales<br />

anciennes ; ses mouvements de caméra<br />

évoquent les peintures sur rouleau.<br />

Epris d’opéra chinois, King Hu en utilise<br />

les techniques de jeu et de combat :<br />

des visages peints et un jeu très chorégraphié,<br />

rendant les combats aériens et abstraits.<br />

En véritable auteur, il travail<strong>la</strong>it à son rythme<br />

(trop lentement pour ses producteurs),<br />

et ses tournages étaient souvent longs<br />

et discontinus. Révélé internationalement<br />

par Touch of Zen (primé à Cannes en 1975),<br />

il reste aujourd’hui l’influence majeure<br />

des cinéastes d’action, tels Ang Lee<br />

ou Tsui Hark. P.E .<br />

28 images de <strong>la</strong> culture

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