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Kurdish Lover<br />

2010, 98', couleur, documentaire<br />

réalisation : C<strong>la</strong>risse Hahn<br />

production : Les Films du Présent,<br />

Avanton Productions, 24 Images, YLE<br />

participation : <strong>CNC</strong>, ministère de <strong>la</strong> Culture<br />

et de <strong>la</strong> Communication (Cnap),<br />

CR Ile-de-France, CR Pays de <strong>la</strong> Loire,<br />

Programme Média, Scam<br />

C<strong>la</strong>risse Hahn visite sa belle-famille, caméra<br />

au poing. Famille kurde, toutefois : l’occasion<br />

donc d’explorer un territoire d’autant moins<br />

connu qu’il reste proprement sans lieu.<br />

De là peut-être l’âpreté de son film :<br />

non pas le dépeçage quotidien des animaux,<br />

mais cette violence sourde (loin d’être muette)<br />

qui à elle seule semble faire tenir<br />

ces vieilles femmes qui sont le cœur véritable<br />

de Kurdish Lover.<br />

“C’est un pays en guerre. Un pays perdu<br />

entre l’Iran, l’Irak, <strong>la</strong> Turquie, <strong>la</strong> Syrie.<br />

Un pays où les montagnes sont magiques.<br />

C’est le Kurdistan. J’ai choisi de vivre avec<br />

l’un d’entre eux.” Si les cartons de l’incipit<br />

désignent à C<strong>la</strong>risse Hahn un programme<br />

c<strong>la</strong>ir, leur marge d’application reste <strong>la</strong>rge.<br />

Sans doute <strong>la</strong> force de Kurdish Lover est-elle<br />

en effet de se donner a priori comme<br />

ce qu’il n’est pas : le portrait d’un homme<br />

à l’identité culturelle d’autant plus affirmée<br />

qu’elle est discriminée, une histoire d’amour<br />

ou <strong>la</strong> découverte du Kurdistan. Car ce qu’en soi<br />

Oktay Sengul, amant kurde, fournit à C<strong>la</strong>risse<br />

Hahn, est moins le matériau brut d’un film –<br />

son individu, sa personnalité, dont Hahn<br />

livrerait le portrait énamouré – qu’un regard<br />

adjuvant, et le sésame d’un territoire culturel<br />

et familial : clé des champs grâce à <strong>la</strong>quelle<br />

Hahn exorcise sa curiosité contre tout<br />

fantôme orientaliste, grâce à <strong>la</strong>quelle<br />

encore elle a sans doute pu trouver <strong>la</strong> force<br />

et l’audace de filmer. M. C.<br />

veux filmer c’est cet aller-retour entre le désir<br />

de l’individu et <strong>la</strong> situation dans <strong>la</strong>quelle il vit<br />

réellement. Mes films se situent dans des<br />

espaces de grande tension. Que ce soit le service<br />

gériatrique d’Hôpital [1999, 37'], le milieu<br />

du porno dans Ovidie [2000, 103'], ou encore <strong>la</strong><br />

famille bourgeoise des Protestants [2005, 85']<br />

dont les codes hérités du XIXe sont sur le déclin.<br />

Vous avez réalisé trois films sur le Kurdistan :<br />

Kurdish Lover, Geril<strong>la</strong> et Prisons.<br />

La question politique n’apparaît qu’en marge<br />

de Kurdish Lover, comment est-elle traitée<br />

dans les deux autres films ?<br />

C. H. : Geril<strong>la</strong> et Prisons, liés à <strong>la</strong> Turquie et à <strong>la</strong><br />

question kurde, avec Los Desnudos, tourné au<br />

Mexique, sont une série de trois films intitulée<br />

Notre corps est une arme [2012] sur les gens qui<br />

utilisent leur corps comme moyen de résistance.<br />

Dans Geril<strong>la</strong>, j’ai utilisé des images filmées par<br />

le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), qui<br />

a tout un service de propagande qui diffuse<br />

ses images sur Internet. Je les ai montées avec<br />

des images de <strong>la</strong> communauté kurde que j’ai<br />

filmées à Paris. Les vidéos de <strong>la</strong> guéril<strong>la</strong> kurde<br />

diffusées par le PKK sont à <strong>la</strong> limite du kitsch,<br />

elles sont très fabriquées, avec de <strong>la</strong> musique,<br />

des combattantes qui chantent assises dans<br />

<strong>la</strong> montagne, pour donner envie aux jeunes de<br />

s’engager. Mais Oktay et moi avons trouvé des<br />

images plus brutes, sans effets spéciaux. A<br />

partir de différentes sources, j’ai reconstitué une<br />

opération militaire, de l’entraînement des guerriers<br />

en Irak jusqu’à <strong>la</strong> prise d’une caserne turque.<br />

Dans Prisons, j’ai interviewé deux jeunes femmes<br />

kurdes qui ont participé à une grève de <strong>la</strong> faim<br />

en 2000 dans les prisons en Turquie. L’Etat<br />

vou<strong>la</strong>it mettre les prisonniers politiques en<br />

isolement carcéral, ce qui est une torture<br />

b<strong>la</strong>nche qui rend les gens fou. La grève devait<br />

alerter l’opinion publique. L’armée est intervenue<br />

et a tiré sur les prisonniers, les a brûlés vifs. La<br />

télévision turque a prétendu que les militants<br />

s’immo<strong>la</strong>ient par le feu, que leur parti les poussaient<br />

à se suicider, que l’armée était intervenue<br />

pour les sauver. J’ai retiré le commentaire<br />

de ces images et je n’ai <strong>la</strong>issé que les cris des<br />

prisonniers qui insultent les militaires. Le<br />

sens de <strong>la</strong> situation devient alors assez c<strong>la</strong>ir.<br />

Quelle p<strong>la</strong>ce tient <strong>la</strong> question politique<br />

dans votre travail ?<br />

C. H. : Ce qui m’intéresse c’est <strong>la</strong> problématique<br />

du vivre ensemble. Je ne suis pas une cinéaste<br />

militante, je filme des militants. En Europe, on<br />

parle de <strong>la</strong> fin des idéologies, mais il y a dans<br />

le monde des gens qui continuent à lutter, et<br />

qui luttent avec leur corps – dans Prisons, ces<br />

deux femmes se sont détruites physiquement<br />

et mentalement par <strong>la</strong> grève de <strong>la</strong> faim. Quand<br />

on se dép<strong>la</strong>ce dans des pays où les gens sont<br />

dans des situations difficiles, des pays en<br />

guerre, le politique devient plus visible…<br />

Qu’avez-vous filmé au Mexique ?<br />

C. H. : Los Desnudos, ce sont des paysans<br />

mexicains dont les terres ont été spoliées par<br />

l’Etat et qui luttaient depuis vingt ans sans qu’on<br />

les remarque. Il est très courant que les Indiens<br />

soient expropriés et qu’ils deviennent mendiants<br />

ou vendeurs ambu<strong>la</strong>nts dans les grandes<br />

villes. Eux ont voulu rester en communauté. Ils<br />

48 images de <strong>la</strong> culture

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