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france, des corps en dialogue, le visage d’une<br />

femme allongée, un corps qui parle dans un<br />

c<strong>la</strong>ir-obscur apaisé. Sans illusion, avec <strong>la</strong> plus<br />

parfaite pudeur, elles racontent leurs vies : les<br />

problèmes d’argent, <strong>la</strong> difficulté d’être mère,<br />

<strong>la</strong> menace de <strong>la</strong> prostitution, l’avortement.<br />

Ida devient <strong>la</strong> mère symbolique de C<strong>la</strong>rence, le<br />

corps de C<strong>la</strong>rence cache un mal dont on entend<br />

parler, mais qu’on ne voit pas. Qu’est-ce qu’un<br />

corps, qu’est-ce que l’image d’un corps, comment<br />

donner à voir ce qu’il éprouve ? Comment<br />

le corps parle-t-il et comment en parle-t-on ?<br />

L’opération gynécologique que doit subir C<strong>la</strong>rence<br />

est l’élément concret qui révèle <strong>la</strong> teneur<br />

des différents rapports de force, <strong>la</strong> violence<br />

d’une situation économique avec <strong>la</strong>quelle personne<br />

ne peut transiger. Trois femmes, et à<br />

travers elles, le portrait de <strong>la</strong> société camerounaise<br />

nous est proposé comme un miroir.<br />

Life donne à voir <strong>la</strong> production camerounaise<br />

de spectacles et de clips que l’on peut percevoir<br />

comme autant d’images reprises ou réinterprétées<br />

de <strong>la</strong> culture popu<strong>la</strong>ire mondiale. Ici le<br />

dialogue entre local et global se tisse : au sein<br />

même de <strong>la</strong> contrefaçon, Epapè rend visible<br />

des pratiques d’images qui définissent un<br />

mode d’expression spécifique et une culture<br />

africaine du spectacle. Il est à l’affût de brèches<br />

dans des images que l’on a pris l’habitude de<br />

regarder avec condescendance, il est attentif<br />

à l’énoncé des désirs, il est à l’écoute des événements<br />

musicaux et rythmiques qui surgissent<br />

de manière inattendue au détour d’une<br />

séquence : <strong>la</strong> cohésion soudaine et joyeuse du<br />

groupe hommes-femmes au moment du visionnage<br />

d’un clip dont <strong>la</strong> production vient juste de<br />

s’achever.<br />

Dans l’avant-dernière séquence, lors d’un spectacle<br />

qui a lieu pour <strong>la</strong> Journée de <strong>la</strong> femme –<br />

“Est-ce qu’on est c<strong>la</strong>ir aujourd’hui ? J’aime <strong>la</strong><br />

femme, je respecte <strong>la</strong> femme”, prévient le chanteur,<br />

– Ida et Poupina, en front de scène, se<br />

livrent à de vraies improvisations contrôlées, à<br />

des morceaux de bravoure dansés qui les font<br />

exister autrement que comme automates qui<br />

miment <strong>la</strong> gestuelle de pop stars iconiques et<br />

déshumanisées. La danse, enfin, comme dépossession<br />

et réappropriation de soi. Mais les derniers<br />

p<strong>la</strong>ns <strong>la</strong>issent en suspens le destin de<br />

C<strong>la</strong>rence : remise de l’opération, elle chante en<br />

guise de prière devant un bris de miroir dans<br />

lequel elle se regarde : “Je veux mon miracle<br />

aujourd’hui.” Un orage éc<strong>la</strong>te, <strong>la</strong> pluie tombe<br />

sur Doua<strong>la</strong> et rend trouble <strong>la</strong> transparence de<br />

<strong>la</strong> vitre et de l’objectif qui tente de saisir une<br />

situation africaine complexe et incertaine. Le<br />

reflet et <strong>la</strong> vue se brouillent. J. A.<br />

arrêt sur image<br />

un doute s’installe<br />

Commentaire d’un photogramme extrait du film Une Vie Normale – Chronique d’un jeune sumo<br />

de Jill Coulon, par Malika Maclouf.<br />

La sueur ruisselle sur sa peau cuivrée. Les<br />

mains sont ouvertes, les muscles bandés.<br />

Takuya Ogushi guette le premier contact, plongeant<br />

ses yeux dans ceux de son adversaire.<br />

L’autre sumo, lui, est sereinement accroupi de<br />

l’autre côté du cercle de combat. Sûr de lui, il<br />

attend que s’é<strong>la</strong>nce le benjamin de l’écurie. Et<br />

Takuya se jette enfin sur <strong>la</strong> montagne humaine<br />

qui lui fait face. Les corps dénudés sont brunis<br />

par <strong>la</strong> fine poussière que diffuse le sol d’argile<br />

et de sable mêlés, et que colle <strong>la</strong> transpiration.<br />

Ils livrent en s’entrechoquant un bruit mat,<br />

absorbé par les parois de bois tapissant les<br />

murs de <strong>la</strong> petite salle d’entraînement.<br />

Mais Takuya est à <strong>la</strong> peine. Malgré <strong>la</strong> rage qu’il<br />

jette dans l’affrontement, fou<strong>la</strong>nt aux pieds<br />

l’habituelle monotonie des entraînements,<br />

<strong>la</strong>issant exploser toute <strong>la</strong> frustration accumulée,<br />

il perd. Perd, et perd encore. Se fait hisser<br />

hors du cercle sacré, porté comme un enfant<br />

par son mawashi, l’épaisse ceinture de soie<br />

noire des lutteurs de sumo. Il s’ébroue, reprend<br />

sa p<strong>la</strong>ce au sein du cercle de paille. Et se<br />

<strong>la</strong>isse déséquilibrer. Jeter dehors. Catapulter<br />

contre le mur. Déconcertés par l’impuissance<br />

du jeune homme, les autres élèves baissent<br />

pudiquement les yeux. Le coach Oshima, quant<br />

à lui, sirote son thé sans piper mot en observant<br />

les combats depuis son estrade parquetée.<br />

Dans quelques instants, <strong>la</strong> hargne de Takuya<br />

<strong>la</strong>issera p<strong>la</strong>ce aux <strong>la</strong>rmes. Des sanglots muets<br />

redoublés par le désarroi que retient le jeune<br />

sumotori depuis qu’il a rejoint à Tokyo, huit mois<br />

plus tôt, cette prestigieuse écurie si éloignée<br />

de sa ville natale d’Asahikawa. On voudrait le<br />

consoler mieux que ne le peuvent ces grands<br />

gail<strong>la</strong>rds dévêtus, gênés par l’émotion de ce<br />

compagnon d’ordinaire si taciturne. C’est que<br />

l’on sait, pour avoir entendu Takuya psalmodier<br />

son hésitation, que l’univers qui les comble<br />

reste pour lui impénétrable. Fuis, Takuya ! Ose<br />

enfin écouter l’intuition qui te taraude ! Mais le<br />

jeune homme est pris dans <strong>la</strong> nasse. Son père<br />

lui a asséné, juste avant le départ : “Tu sais qu’il<br />

n’y aura plus de p<strong>la</strong>ce pour toi si tu reviens ?”<br />

Que s’est-il passé entre le père et le fils, si<br />

empruntés l’un envers l’autre ? Takuya avait<br />

prévenu : “Depuis que ma mère est morte d’un<br />

cancer il y a trois ans, nous avons du mal<br />

à nous parler, lui et moi.” Le choix qu’il se<br />

convainc d’avoir pris librement apparaît<br />

sérieusement contraint.<br />

Quelques mois plus tôt, Takuya, fraîchement<br />

diplômé, est débarqué à Tokyo, un peu perdu<br />

dans cette grande pièce où cohabitent les lutteurs.<br />

On dort ensemble, on parle, on mange<br />

sans cesse, à l’excès. Takuya lui ne parle pas<br />

mais observe. La caméra suit son regard et<br />

56 images de <strong>la</strong> culture

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