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autour du monde<br />

belle-famille<br />

Sélectionné dans de nombreux festivals, primé à Belfort et à Belo Horizonte (Brésil),<br />

sorti en salle en septembre 2012, Kurdish Lover nous plonge dans l’intimité d’une famille<br />

kurde, dans un vil<strong>la</strong>ge au pied des montagnes du Kurdistan. En compagnie d’Oktay Sengul,<br />

le kurdish lover qui lui a ouvert les portes de cet univers, C<strong>la</strong>risse Hahn observe les coutumes<br />

et les mœurs, les re<strong>la</strong>tions passionnées qui animent cette petite communauté.<br />

Entretien croisé avec C<strong>la</strong>risse Hahn et Oktay Sengul.<br />

Le titre Kurdish Lover <strong>la</strong>isserait attendre<br />

un portrait ou une histoire d’amour,<br />

pourtant votre compagnon, Oktay Sengul,<br />

reste en marge du film.<br />

C<strong>la</strong>risse Hahn : C’est vrai que le titre peut<br />

sembler déroutant. C’est un titre léger, un peu<br />

comme celui d’une chanson – quelque part<br />

entre <strong>la</strong>tin lover et turkish delight. Le kurdish<br />

lover, c’est avant tout un passeur. Notre re<strong>la</strong>tion<br />

apparaît en filigrane, ce n’est pas le sujet<br />

principal du film. Le sujet, ce sont les gens qui<br />

entourent Oktay, sa famille, les habitants du<br />

vil<strong>la</strong>ge. Mais il est souvent question d’amour<br />

ou de mariage.<br />

Dans le film, ce sont les femmes qui occupent<br />

le premier p<strong>la</strong>n. Comment ont-elles pris<br />

une telle importance ? Pourquoi les hommes<br />

sont-ils en retrait ?<br />

C. H. : Au Kurdistan, il était plus facile pour moi<br />

de filmer des femmes. C’est vrai qu’il n’y a dans<br />

le film que des mères et des fils. Il n’y a pas<br />

d’hommes dominants. Face à <strong>la</strong> caméra, les<br />

hommes se croyaient obligés de tenir une fonction<br />

sociale, de donner des ordres, de me diriger.<br />

De manière générale, les femmes s’expriment<br />

plus que les hommes. Filmer à l’intérieur du foyer<br />

où les femmes sont fortes, était beaucoup<br />

plus simple. Ce<strong>la</strong> m’a rappelé Karima [Karima,<br />

2003, 98'] pour qui le rôle de dominatrice était<br />

une prolongation de <strong>la</strong> figure de <strong>la</strong> mère dans<br />

<strong>la</strong> société maghrébine. Ce<strong>la</strong> a aussi permit à<br />

Oktay de passer du temps avec les femmes.<br />

Ce qui est inhabituel ?<br />

C. H. : Oktay est amené à fréquenter les hommes,<br />

mais il refuse l’image machiste que lui impose<br />

cette société. Comme il ne joue pas ce rôle-là,<br />

les femmes le considèrent comme un enfant.<br />

Les hommes, du fait de l’exil, ont l’air d’être<br />

tournés vers le mode de vie occidental<br />

tandis que les femmes semblent appartenir<br />

à un monde rural et traditionnel.<br />

Les hommes ont l’air partagés entre<br />

le fantasme de cet ailleurs, notamment<br />

de <strong>la</strong> femme européenne, et le désir<br />

de se marier avec une fille du vil<strong>la</strong>ge.<br />

C. H. : Dans les années 1970 de nombreux<br />

Kurdes sont partis travailler en Europe. La<br />

grand-mère d’Oktay a dix enfants, qui sont<br />

tous partis vivre à l’étranger, qui lui envoient de<br />

l’argent et qui reviennent chaque été au vil<strong>la</strong>ge.<br />

Si ceux qui vivent au Kurdistan rêvent de<br />

partir à l’étranger pour fuir <strong>la</strong> misère et <strong>la</strong><br />

guerre, ceux qui travaillent en Europe veulent<br />

se marier avec quelqu’un du vil<strong>la</strong>ge pour garder<br />

le lien avec leurs origines. Ce<strong>la</strong> est encore<br />

accentué par <strong>la</strong> négation de <strong>la</strong> culture kurde.<br />

La <strong>la</strong>ngue, les chants, les costumes traditionnels<br />

kurdes étaient encore interdits il y a peu<br />

de temps, se marier au vil<strong>la</strong>ge c’est préserver<br />

cette culture et avec elle une structure communautaire<br />

rassurante.<br />

Est-ce que l’exil modifie les rapports<br />

traditionnels entre les hommes et les femmes?<br />

C. H. : Oui, c’est probable, Oktay pourrait répondre<br />

à ça. Mais Kurdish Lover ne traite pas de <strong>la</strong><br />

victimisation de <strong>la</strong> femme par le pouvoir patriarcal.<br />

Le film s’intéresse plutôt aux rapports<br />

d’emprise des individus les uns sur les autres<br />

au sein d’une communauté, comme ceux de <strong>la</strong><br />

grand-mère avec sa bru – situation qui s’est<br />

depuis inversée. Ce sont des rapports de force<br />

qui existent dans toutes les familles. Le sujet de<br />

Kurdish Lover c’est <strong>la</strong> difficulté à sortir du milieu<br />

dont on est issu, à échapper aux contraintes<br />

que nous impose notre communauté. Certains<br />

systèmes nous sont à <strong>la</strong> fois nécessaires et<br />

nous enferment dans un cercle vicieux ; même<br />

s’ils nous mettent régulièrement en état de<br />

crise, nous restons dans le cercle parce qu’ils<br />

nous constituent en tant qu’individu. Ce que je<br />

46 images de <strong>la</strong> culture

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