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Monsieur M, 1968<br />
2011, 55', couleur, documentaire<br />
réalisation : Isabelle Berteletti, Laurent Cibien<br />
production : Lardux Films, Ina<br />
participation : <strong>CNC</strong>, Procirep, Angoa<br />
Que s’est-il passé en 1968 ? La réponse<br />
se trouve dans l’agenda de monsieur M,<br />
retrouvé après sa mort par les voisinsréalisateurs.<br />
Honorable citoyen de Montreuil,<br />
dessinateur de cartes pour l’Institut<br />
géographique national, célibataire discret,<br />
monsieur M y a consigné d’une écriture<br />
appliquée tous les faits remarquables<br />
de son quotidien : itinéraires, émissions<br />
télévisées, achats, toilette… un monde<br />
où <strong>la</strong> révolte ne grondera pas.<br />
Dans Monsieur M, 1968 tout est affaire<br />
d’échelle : les vastes horizons du monde<br />
sont réduits aux dimensions d’une table<br />
à dessiner, puis stockés dans le dédale<br />
des archives de l’IGN ; les grands<br />
bouleversements de l’histoire sont vus<br />
par <strong>la</strong> lorgnette d’un individu qui s’applique<br />
à maintenir dans sa vie <strong>la</strong> plus stricte<br />
répétition – sur une trajectoire qui va<br />
de <strong>la</strong> maison au bureau et du bureau<br />
à <strong>la</strong> maison ; l’avenir est décortiqué<br />
par des prophètes de télévision (archives<br />
de l’INA à l’appui) qui semblent déjà retarder<br />
d’une saison. Avec beaucoup d’humour le film<br />
interroge nos représentations de l’espace<br />
et du temps, dont les distorsions trahissent<br />
une volonté à <strong>la</strong> fois vaniteuse et redoutable<br />
de tout voir, de tout prévoir, de tout contrôler.<br />
En filigrane sous cette approche fantasque<br />
et sarcastique, un documentaire fascinant<br />
sur l’évolution des techniques cartographiques<br />
des années 1950 à nos jours, de <strong>la</strong> carte<br />
soigneusement détaillée à <strong>la</strong> main jusqu’aux<br />
univers parallèles de <strong>la</strong> 3D. S. M.<br />
Film retenu par <strong>la</strong> commission<br />
Images en bibliothèques<br />
Que reste-t-il d’une vie ordinaire ? Le film<br />
tente de rendre compte de ce qu’a été <strong>la</strong> vie<br />
quotidienne et répétitive d’un homme,<br />
Monsieur M, une vie en retrait dans un moment<br />
symbolique de l’Histoire, mai 68, emblème<br />
de <strong>la</strong> modernité à venir. Comme si <strong>la</strong> “grande<br />
Histoire” n’interférait nullement sur l’histoire<br />
d’anonymes, qui traversent les événements<br />
sans <strong>la</strong>isser de traces, telles des ombres<br />
oubliées. Le film superpose différentes<br />
strates d’images : archives de l’année 1968,<br />
prises de vue actuelles des lieux décrits<br />
dans les carnets de Monsieur M, images<br />
de vidéosurveil<strong>la</strong>nce… Les écrans (ordinateurs,<br />
postes de contrôle) et les mots se multiplient,<br />
se chevauchent, se brouillent, dans<br />
un incessant aller-retour entre passé<br />
et présent. Cet essai poétique brouille<br />
les pistes, bouscule notre perception linéaire<br />
de <strong>la</strong> vie et des événements, notre rapport<br />
au quotidien et au temps. Le film semble nous<br />
plonger dans une sorte de torpeur tranquille<br />
et banale, mais bruisse de questionnements.<br />
Jean-Marc Lhommeau<br />
(Bibliothèque municipale, Le Plessis-Trévise)<br />
à l’outil qui permet de visionner <strong>la</strong> photo, va<br />
faire le tracé. Attention microscopique du regard,<br />
concentration et rigueur du geste sont exigées.<br />
Les mêmes lieux que ceux d’autrefois sont filmés<br />
en couleur et au présent. Les réalisateurs<br />
font revenir à l’IGN les employés d’hier et leur<br />
font refaire sur p<strong>la</strong>ce les gestes de leur carrière<br />
passée. Ceux d’aujourd’hui comparent leurs<br />
méthodes avec celles d’antan : le passage a eu<br />
lieu d’un dessin manuel ou mécanisé à une<br />
technique numérique. Ces effets de déca<strong>la</strong>ge<br />
entre passé et présent font dialoguer les<br />
époques et rejouent les écarts entre un ici et<br />
un ailleurs, écarts manifestes dans <strong>la</strong> carte<br />
géographique ou dans <strong>la</strong> carte postale. Monsieur<br />
M a beau être attaché à un ici répétitif et<br />
routinier, il cartographie au 1/50e <strong>la</strong> lointaine<br />
île Malékou<strong>la</strong> en Océanie et il lit attentivement<br />
les cartes postales envoyées par ses collègues,<br />
sensible à <strong>la</strong> présence évanescente de ces<br />
voix venues d’ailleurs. A l’aune de ces terres<br />
lointaines et des changements d’échelle, les<br />
parcours et trajets du quotidien évoqués dans<br />
le film sont perçus différemment. Ils se manifestent<br />
selon un principe de dérive ludique et<br />
poétique débouchant sur une nouvelle psycho-géographie.<br />
L’expérience de perception est certes affaire<br />
de temps et d’espace, mais elle est aussi<br />
indissociable des techniques d’images et des<br />
machines de vision. Les réalisateurs, sur un<br />
mode qui peut faire penser au cinéma d’Harun<br />
Farocki, ont p<strong>la</strong>isir à filmer les différents<br />
mécanismes et les différents types d’images.<br />
La fin du film fait évoluer le propos ; des trajets<br />
virtuels sont représentés selon une esthétique<br />
inédite inspirée des nouvelles images et<br />
de Google Earth. Des techniques des images à<br />
<strong>la</strong> technique en général, le film revient sur l’opti-<br />
A voir<br />
<strong>la</strong>rdux.com<br />
Sur Isabelle Berteletti :<br />
lequanninh.net/helios<br />
Sous <strong>la</strong> direction de Judith Abensour :<br />
Réactivations du geste, coll. Ecrits, Le Gac<br />
Press, 2011.<br />
64 images de <strong>la</strong> culture