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Film retenu par <strong>la</strong> commission<br />
Images en bibliothèques<br />
Trois drapeaux israéliens flottent au vent.<br />
Dans un poste de garde, un homme en uniforme<br />
contrôle le contenu des sacs et vérifie les cartes<br />
d’identité. Des jeunes gens entrent dans<br />
une cour close de hauts gril<strong>la</strong>ges et parsemée<br />
de constructions cubiques en béton – des abris<br />
anti-roquettes. Le p<strong>la</strong>n suivant nous montre<br />
des salles de cours où des professeurs font<br />
l’appel. Bienvenue à l’école de cinéma Sapir<br />
à Sderot, à une portée de roquette de <strong>la</strong> bande<br />
de Gaza. Cette école est un microcosme<br />
où étudiants israéliens et palestiniens<br />
se côtoient, à l’image de ce que devrait être<br />
<strong>la</strong> société israélienne. Le projet d’Avner<br />
Faingulernt et de son adjoint Erez Peri est<br />
c<strong>la</strong>irement politique : le cinéma est une arme<br />
pour éveiller les consciences. Erez s’interroge :<br />
“Faire du cinéma dans ce contexte pose<br />
une question morale. Que dois-je faire ?<br />
Sou<strong>la</strong>ger <strong>la</strong> douleur des gens ou bien leur faire<br />
ressentir cette douleur, afin qu’à travers<br />
<strong>la</strong> représentation de cette douleur,<br />
ils réfléchissent?“ Il choisit <strong>la</strong> deuxième option.<br />
Les étudiants sont ainsi encouragés à réaliser<br />
des documentaires, à remettre en cause<br />
<strong>la</strong> pensée officielle. Cependant, quand<br />
on entend les propos provocateurs ouvertement<br />
anti-palestiniens tenus par certains étudiants<br />
au cours d’une soirée arrosée et qu’on apprend<br />
les menaces de licenciement pesant<br />
sur les professeurs accusés de sympathies<br />
pro-palestiniennes, on se dit que le combat<br />
est loin d’être gagné.<br />
Christian Magnien (Bibliothèque<br />
départementale de prêt de <strong>la</strong> Nièvre)<br />
représentations dominantes (médiatiques et<br />
politiques) et celles qu’ils pourraient aujourd’hui<br />
considérer comme médiatrices d’eux-mêmes,<br />
de leurs perceptions et de leurs aspirations. La<br />
voix du système éducatif et les années de service<br />
militaire semblent <strong>la</strong>isser des traces profondes<br />
en eux et, au moment de <strong>la</strong> formation, l’heure<br />
du bi<strong>la</strong>n vient aussi. Dans un contexte instable,<br />
leurs films <strong>la</strong>issent fréquemment apparaître<br />
<strong>la</strong> marque des divisions internes et des contradictions<br />
de <strong>la</strong> société civile israélienne. Prenant<br />
appui sur un socle théorique solide, l’école ne<br />
vise pas le remp<strong>la</strong>cement d’une idéologie identitaire<br />
par une autre, mais <strong>la</strong> réactivation d’une<br />
écoute et d’une parole personnelles.<br />
L’édification de ce projet a trouvé un autre aboutissement<br />
à sa logique, à travers <strong>la</strong> création à<br />
Sderot il y a dix ans du Cinema South Festival.<br />
Cette manifestation, qui se déroule chaque<br />
année entre <strong>la</strong> fin du mois de mai et début juin,<br />
a pour but d’apporter une connaissance des<br />
réalités et œuvres cinématographiques internationales<br />
et plus particulièrement asiatiques,<br />
africaines ou <strong>la</strong>tino-américaines. Pour Avner<br />
Faingulernt et Erez Peri comme pour les autres<br />
membres de l’équipe, qui pour certains sont<br />
d’anciens étudiants parfois devenus enseignants,<br />
une expérience des créations passées<br />
et présentes repérables dans ces pays permet<br />
aussi d’inciter le cinéma israélien émergent à<br />
regarder dans d’autres directions et à modérer<br />
l’influence historique des cinémas européens<br />
et nord-américains. Il n’est pas exclu de considérer<br />
que les environnements d’où proviennent<br />
quelques films significatifs ont sur bien des<br />
points un rapport de plus grande proximité ou<br />
de résonance avec certaines réalités israéliennes<br />
tant d’un point de vue géographique<br />
que culturel ou social. Surtout, il est évident à<br />
leurs yeux que le cinéma des autres constitue,<br />
dans un contexte où les frontières mentales et<br />
identitaires pèsent lourdement, un préa<strong>la</strong>ble<br />
à toute expérience viable de l’altérité alors que<br />
le cosmopolitisme de leur société est une<br />
donnée incontournable du présent comme de<br />
l’avenir du pays. Somme toute une condition<br />
existentielle.<br />
Le documentaire Sderot, <strong>la</strong>st Exit d’Osvalde<br />
Lewat donne voix et corps aux réalités de l’école :<br />
retour sur les origines du projet, situations de<br />
cours, paroles d’enseignants et aussi d’étudiants.<br />
Ses images comme celles des films de<br />
l’école que le documentaire intègre permettent<br />
aussi une efficace mise en contexte territoriale<br />
qu’appuie avec pertinence une incursion discrète<br />
dans <strong>la</strong> sphère intime, familiale, de certains<br />
intervenants. Sans idéaliser ni simplifier les<br />
enjeux nombreux qui entourent <strong>la</strong> pérennité<br />
de cette formation, elle n’en prend pas moins<br />
<strong>la</strong> défense d’une singu<strong>la</strong>rité, celle d’une autre<br />
voie possible, aussi fragile et humble soit-elle.<br />
Elle n’en paraîtra que plus précieuse. J.B.<br />
A voir<br />
Le Festival des 3 Continents à Nantes<br />
(Jérôme Baron, directeur artistique)<br />
a programmé en 2010 les films issus<br />
du Sapir College and Television School :<br />
3continents.com<br />
college.sapir.ac.il/sapir/dept/cinema/press/<br />
sapir-college-sderot.pdf<br />
36 images de <strong>la</strong> culture