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ICT<br />
Best of LG 196 - Mars <strong>2017</strong><br />
Un enjeu stratégique<br />
L’internationalisation financière menacerait-elle l’ICT luxembourgeois? Pas exactement.<br />
Mais les évolutions futures de ce secteur doivent se faire de façon réfléchie et avec prudence:<br />
voilà le message de Jean-François Terminaux, vice-président de Finance & Technology<br />
Luxembourg; Yves Reding, président de Cloud Community Europe - Luxembourg et<br />
Gérard Hoffmann, président de FEDIL-ICT. Les trois associations portées par ces experts<br />
représentent plus de 85% de la substance en ICT à Luxembourg. Rencontre.<br />
Un bouleversement sans précédent<br />
Un vent de protestation paniquée soufflerait-il<br />
sur la Place depuis que le ministre<br />
des Finances, Pierre Gramegna, a déposé<br />
le projet de loi 7024? «Non, pas de protestation<br />
mais de dialogue. Nous souhaitons<br />
réconcilier différentes positions, trouver un<br />
chemin équilibré entre elles», affirme Gérard<br />
Hoffmann. Le point de départ de cette agitation<br />
policée est ledit projet, qui, en touchant<br />
à l’article 41 de la loi de 1993 relative au<br />
secteur financier, bouleverse l’équilibre des<br />
milieux ICT et financiers. En effet, cette<br />
modification introduit deux exceptions supplémentaires<br />
à la pratique du secret professionnel.<br />
Elle implique que, d’une part, des<br />
données puissent circuler au sein même d’un<br />
groupe suite à la simple notification du client<br />
auquel elles ont trait pour autant que ces<br />
informations soient maintenues à l’intérieur<br />
de ce groupe, et ce, même rétroactivement;<br />
et d’autre part, qu’une externalisation<br />
des données hors du groupe soit possible<br />
moyennant dans ce cas un accord en amont<br />
du client protégé par le secret professionnel.<br />
«L’internationalisation est une dynamique<br />
de marché irréversible», déclare le président<br />
de FEDIL-ICT. «Nous supportons donc la<br />
modernisation de l’encadrement financier<br />
du pays, et nous sommes heureux qu’un<br />
débat sur cette question essentielle émerge.<br />
Cependant, nous souhaitons une réforme<br />
plus réfléchie». Jusqu’à présent, le principe<br />
du secret professionnel n’était soumis qu’à<br />
peu d’exceptions. «Avec ce texte, nous<br />
risquons de passer d’un contexte financier<br />
national plutôt fermé et extrêmement régulé,<br />
à une forte ouverture à l’avantage des<br />
acteurs étrangers. Ce serait un changement<br />
radical, d’un extrême à l’autre, sans véritable<br />
réflexion pour dynamiser la démarche<br />
existante».<br />
Un large impact<br />
Pour les PSF de support, les conséquences<br />
seraient désastreuses, explique Jean-François<br />
Terminaux: «Les professionnels qui servent<br />
le secteur financier sont soumis à un cadre<br />
strict. Cet amendement a comme inconvénient<br />
que les contraintes sur nos sociétés<br />
seraient nettement plus élevées que celles<br />
touchant nos clients. Quel décalage entre<br />
des fournisseurs de services étranglés et des<br />
clients qui bénéficient d’une belle souplesse<br />
et peuvent facilement faire appel à leurs<br />
entités internes à l’étranger! Nos propres<br />
règles ne nous permettraient plus de faire le<br />
poids», s’indigne-t-il.<br />
Mais bien au-delà des PSF, c’est le domaine de<br />
l’ICT et l’économie luxembourgeoise entière<br />
qui seraient touchés par ce projet de loi.<br />
«En business, plus rien ne se fait sans l’ICT»<br />
explique Yves Reding, «avec comme effets<br />
pervers, l’augmentation des problèmes en<br />
cybersécurité. La protection des données est<br />
donc une priorité d’avenir. En Europe, grâce au<br />
mouvement GDPR, General Data Protection<br />
Regulation, c’est l’utilisateur final qui est maître<br />
de ses informations dans un environnement<br />
unique de protection. C’est cela que nous<br />
souhaitons: que le contrôle de la chaîne de<br />
l’information soit maintenu sous l’égide de<br />
l’utilisateur final». Mais le président de Cloud<br />
Community Europe - Luxembourg précise que<br />
l’Europe ne pèse pas lourd sur ce marché digital<br />
mondial. Or, le Grand-Duché a une réputation<br />
d’excellence, comme coffre-fort de données<br />
numériques. Cette crédibilité s’est construite<br />
grâce à l’univers financier luxembourgeois:<br />
«Les banques ont placé la barre haut avec leurs<br />
exigences en confidentialité, disponibilité et<br />
intégrité». Aujourd’hui, les banques s’ouvrent<br />
et multiplient les interactions: «Cela ne peut<br />
pas se faire dans le désordre» martèle-t-il. En<br />
reformulant ses normes, le Grand-Duché doit<br />
veiller à ne pas trahir ses valeurs. «Notre expertise<br />
est encore jeune et dépend du domaine<br />
bancaire. L’ICT n’est pas un métier en soi mais<br />
un domaine au service des clients. Si ceux-ci<br />
quittent le pays, ils emporteront avec eux leurs<br />
centres informatiques… Alors, nous n’aurons<br />
plus les ressources nécessaires pour développer<br />
les compétences d’avenir liées aux FinTech, au<br />
Big Data ou à la cybersécurité».<br />
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