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Finance<br />

Best of LG 196 - Mars <strong>2017</strong><br />

Les métamorphoses de Rifkin<br />

Pierre Mangers, associé intervenant dans le conseil auprès des PME et leader du<br />

secteur public chez EY, nous fait partager son regard sur l’étude stratégique pour le<br />

Luxembourg, menée par Jeremy Rifkin.<br />

Cela fait maintenant un an que le<br />

Luxembourg identifie les opportunités,<br />

les défis ainsi que les aspects<br />

opérationnels d’une transition vers<br />

une économie plus durable et plus<br />

interconnectée. Selon vous, quel est<br />

l’intérêt d’une telle étude stratégique<br />

pour le Luxembourg? Et pour l’Europe?<br />

En vue de pérenniser sa croissance économique,<br />

le Luxembourg a un intérêt stratégique<br />

à diversifier son tissu économique<br />

au-delà et au sein du secteur financier,<br />

de rechercher une certaine indépendance<br />

énergétique et l’excellence de son système<br />

éducatif. Petit pays en termes d’habitants et<br />

de superficie, et donc aux ressources naturelles<br />

plus limitées que dans d’autres pays,<br />

le Luxembourg se doit d’être créatif pour<br />

trouver et monétiser de nouvelles niches (par<br />

exemple le «space mining»), et savoir utiliser<br />

des technologies transversales (par exemple<br />

le «High Performance Computing»). L’étude<br />

Rifkin est un déclencheur destiné à mobiliser<br />

le pays pour construire un nouveau futur.<br />

L’économie européenne stagne, nous<br />

devons dès lors nous interroger sur les raisons<br />

de cette stagnation et a fortiori, sur la<br />

capacité de notre modèle économique actuel<br />

à retrouver le chemin de la croissance.<br />

Notre modèle économique dépend de la<br />

continuité des investissements. Depuis 2010,<br />

année de la crise de la dette souveraine,<br />

la banque centrale a tenté de relancer son<br />

économie via une politique monétaire d’un<br />

taux avoisinant zéro. Cette politique de<br />

l’argent abondant et bon marché a empêché<br />

les banques non efficientes de se retirer<br />

du marché.<br />

De surcroît, les fondations sur lesquelles<br />

repose ce modèle de croissance sont écologiquement<br />

insuffisantes et nous devons<br />

repenser nos modes d’approvisionnement<br />

sur base d’une économie de proximité afin<br />

d’éviter le transport des produits non-indispensables.<br />

L’évolution du coût marginal vers<br />

zéro*, c’est à dire le coût pour produire une<br />

unité supplémentaire, permet de repenser<br />

le fonctionnement de notre économie où<br />

l’usage, la durabilité et la coopération primeraient<br />

sur la propriété, le consumérisme<br />

et la concurrence.<br />

Ce serait un changement profond de<br />

paradigme, voire d’un système économique<br />

qui est en place depuis la fin de<br />

la Seconde Guerre mondiale…<br />

S’il est vrai que l’émergence de l’économie<br />

du partage repose en grande partie sur les<br />

technologies de l’information, des systèmes<br />

analogues ont néanmoins existé dans l’histoire<br />

de l’humanité. Il suffit de remonter<br />

à deux ou trois générations pour saisir les<br />

habitus de nos grands-parents durant les<br />

pénuries de guerre. Chacun y entretenait son<br />

propre potager, commerçait ses récoltes avec<br />

son voisin et cela dans une culture de l’entreaide,<br />

de la débrouille et de la réparation.<br />

C’est le consumérisme des années 60 aux<br />

Etats-Unis et 70 en Europe qui aura éduqué<br />

les masses à la culture du remplacement.<br />

De nos jours, plus personne ne fait réparer<br />

un appareil électroménager défectueux<br />

puisque le coût du remplacement est le plus<br />

souvent moindre.<br />

Si à en croire le dicton «la nécessité est la<br />

mère de l’invention», alors l’éducation est<br />

résolument celle de l’innovation; l’économie<br />

du partage comme l’économie circulaire<br />

nécessitent une éducation responsable des<br />

masses.<br />

De même qu’une démocratie nécessite<br />

des électeurs éclairés, une économie<br />

responsable présuppose des consommateurs<br />

responsables… Y-a-t-il d’autres<br />

prérequis pour sa réussite?<br />

Il est primordial que dans un petit pays<br />

comme le nôtre, la vision proposée soit<br />

inclusive et compréhensible par l’ensemble<br />

de la population. Il faudra mettre en place un<br />

processus de gouvernance politique pour<br />

arbitrer les choix d’investissement du pays<br />

permettant de relever nos principaux défis<br />

sociétaux: le financement durable des pensions<br />

de retraite, la gestion de la mobilité, l’accès<br />

au logement urbain à des prix abordables<br />

et l’amélioration de l’employabilité grâce à<br />

une éducation plus adaptée aux compétences<br />

requises par l’économie digitale.<br />

Soucieuse de son avenir, la jeunesse exprime,<br />

non sans raisons, ses attentes, ses rêves et ses<br />

ambitions. Ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui<br />

30<br />

*En référence à l’essai de Jeremy Rifkin, «La nouvelle société du coût marginal zéro», Babel, 2016, 544 p.

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