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colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

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Fantasia<br />

Leopold Pe<strong>et</strong>ers<br />

De prime abord le titre de mon exposé peut sembler incongru dans<br />

le contexte d‘un <strong>colloque</strong> consacré à <strong>la</strong> <strong>prudence</strong>. Je suis sûr que beaucoup de<br />

penseurs <strong>et</strong> chercheurs considèrent qu‘entre <strong>la</strong> fantasia <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>prudence</strong>, ces<br />

deux puissances de l‘âme jadis identifiées <strong>et</strong> définies par Aristote, existe une<br />

opposition très c<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> même radicale, <strong>la</strong> <strong>prudence</strong> étant une façon d‘être<br />

engagé dans le monde de l‘action alors que <strong>la</strong> fantaisie serait plutôt une<br />

tentative d‘échapper aux contraintes souvent trop pénibles que nous impose<br />

notre propre existence. Mais vous l‘aurez remarqué, je ne me propose pas de<br />

parler de <strong>la</strong> fantaisie que nous comprenons maintenant comme <strong>la</strong> tendance<br />

d‘agir par caprice, ce qui n‘est certes pas de bon conseil quand il s‘agit de<br />

délibérer, de peser le pour <strong>et</strong> le contre, de prendre <strong>des</strong> décisions basées <strong>sur</strong><br />

un ensemble cohérent d‘informations, <strong>et</strong> ceci pour limiter les risques d‘échec.<br />

Dans ce titre je me sers d‘une transposition littérale du terme qu‘Aristote<br />

emploie dans son Traité de l’âme 275 pour désigner une puissance de l‘âme<br />

que <strong>la</strong> tradition <strong>la</strong>tine <strong>et</strong> moderne a traduit par le terme d‘imagination. Ce<br />

dernier terme prête facilement à confusion parce qu‘en lui on a pu<br />

reconnaître spontanément un autre, celui d‘image, rapport qui situe<br />

l‘imagination dans le champ uniquement visuel. Or <strong>la</strong> fantasia chez Aristote<br />

est une capacité de ce qu‘il appelle le sens commun, l’aistèsis koinè qui en<br />

fait correspond à <strong>la</strong> faculté de sentir, <strong>et</strong> qu‘il faut donc traduire par le terme<br />

de sensation, c<strong>et</strong>te force fondamentale <strong>et</strong> profonde de l‘âme dans <strong>la</strong>quelle les<br />

diverses données sensorielles sont centrées <strong>et</strong> unifiées. Au début du<br />

troisième livre, quand Aristote décrit les cinq sens séparés <strong>et</strong> liés à <strong>des</strong><br />

organes spécialisés, il montre qu‘ils sont réunis dans le fait que l‘âme sent<br />

qu‘elle est en train de sentir, d‘avoir <strong>des</strong> sensations différentes selon les cinq<br />

spécialisations. Ce sens commun correspondrait assez bien à ce que nous<br />

appelons maintenant <strong>la</strong> conscience, celle qui nous perm<strong>et</strong> de sentir que nous<br />

sentons. Mais c<strong>et</strong>te sensation globale ne nous donne pas encore les choses<br />

dans leur différence spécifique, <strong>et</strong> en plus <strong>des</strong> cinq sens, il nous faut une<br />

275 Je me suis servi de l‘édition qu‘A. Jannone a publiée dans <strong>la</strong> collection Budé <strong>des</strong> Belles<br />

L<strong>et</strong>tres en 1966.<br />

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