25.06.2013 Views

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

celui de <strong>la</strong> conformité entre l‘action <strong>et</strong> <strong>la</strong> ―qualité <strong>des</strong> temps‖. En eff<strong>et</strong>, non<br />

seulement le temps qui passe modifie constamment l‘état <strong>des</strong> choses, mais<br />

encore <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout il est, dans l‘absolu, conçu comme indifférent : “Car le<br />

temps pousse tout devant lui <strong>et</strong> peut apporter avec lui le bien comme le mal<br />

<strong>et</strong> le mal comme le bien” 174 . Le temps est ce mouvement irrégulier,<br />

indéterminé <strong>et</strong> violent, c‘est-à-dire mutatio aveugle <strong>et</strong> opaque. Aussi est-ce<br />

au virtuoso de lui donner forme, d‘y faire advenir un changement véritable.<br />

C‘est pourquoi <strong>la</strong> modalité primordiale de <strong>la</strong> <strong>prudence</strong>, chez Machiavel, est<br />

l‘impétuosité <strong>et</strong> <strong>la</strong> nécessité de savoir improviser, inventer devant <strong>la</strong> situation<br />

inédite <strong>des</strong> guerres italiennes. Dans tous les cas, <strong>la</strong> temporisation est<br />

impropre aux temps de mutatio, par où le cas échéant, quand il est effectué à<br />

propos, le fait même de temporiser « n’est pas un acte tempéré, c’est un acte<br />

extrême» 175 .<br />

Bref, si le politique ne prend pas l‘initiative de l‘action, c‘est le cours<br />

fluctuant <strong>et</strong> torrentiel de <strong>la</strong> fortune qui va, le submergeant, tout déterminer.<br />

Aussi s‘adapter virtuosement à <strong>la</strong> fortune signifie-t-il à son plus haut point,<br />

bien plutôt que de ―se contenter‖ de s‘y conformer, provoquer, voire créer<br />

l‘évènement par l‘eff<strong>et</strong> de sa volonté.<br />

Assertion qui n‘empêche nullement que <strong>la</strong> virtù ait sa limite<br />

intrinsèque, celle-là même de l‘humaine condition, qu‘illustrent les fins<br />

prématurées de César Borgia <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout du condottiere Castruccio Castracani,<br />

frappé au somm<strong>et</strong> de sa gloire. Que <strong>la</strong> mort incarne <strong>la</strong> reviviscence de <strong>la</strong><br />

fortune au sein de <strong>la</strong> virtù <strong>la</strong> plus extraordinaire est hautement significatif.<br />

Dans ces deux cas paradigmatiques, le triomphe ultime de <strong>la</strong> fortune désigne<br />

en eff<strong>et</strong> <strong>la</strong> finitude humaine indépassable du politique. La fortune n‘est plus<br />

revêtue que du “rôle moderne de simple limitation de notre liberté qui nous<br />

rive <strong>et</strong> nous arrime à notre propre finitude”, elle ne demeure présente que<br />

comme “le reste définitif “, représentant “l’être même de notre limite (...) qui<br />

interdit à l’homme de supposer qu’il puisse assigner <strong>la</strong> fin de son histoire <strong>et</strong><br />

en achever un jour le cours” 176 .<br />

Si tel n‘était pas le cas, imagine Machiavel dans ses Caprices à<br />

Soderini, “celui qui serait assez sage pour connaître le temps <strong>et</strong> l’ordre <strong>des</strong><br />

choses, <strong>et</strong> qui s’y adapterait, aurait toujours une fortune bonne ou se<br />

174 Cf. MACHIAVEL, Prince, chapitre III, op.cit.<br />

175 Cf. Gérald SFEZ, Le Prince sans qualités, op.cit.<br />

176 Cf. Gérald SFEZ, Machiavel, <strong>la</strong> politique du moindre mal, Paris, PUF, 1999.<br />

72

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!