colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
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somme De <strong>la</strong> guerre au niveau, d‘après <strong>la</strong> formule de Hervé Guiner<strong>et</strong>, d‘un<br />
authentique « traité philosophique de <strong>la</strong> politique » 200 , c<strong>et</strong>te dernière étant<br />
conçue comme à <strong>la</strong> fois le principe moteur <strong>et</strong> <strong>la</strong> limite modératrice de <strong>la</strong><br />
guerre, dont le concept absolu ne correspond jamais tout à fait à <strong>la</strong> réalité<br />
historique. La guerre est saisie comme une pratique humaine dont le cœur<br />
est constitué par une donnée qui fait obstacle à <strong>la</strong> raison calcu<strong>la</strong>trice. Fondée<br />
<strong>sur</strong> une évaluation qui porte <strong>sur</strong> le probable, elle nous conduit vers le<br />
possible <strong>et</strong> le jugement libre : rien de certain <strong>et</strong> d‘absolu en elle, mais c<strong>et</strong>te<br />
liberté qui lui confère son caractère dramatique.<br />
Si donc C<strong>la</strong>usewitz est un penseur politique au sens fort <strong>et</strong><br />
spécifique, c‘est parce que, au moment décisif de <strong>la</strong> détermination de<br />
l‘hostilité concrète, il ne se décida qu‘en fonction de considérations<br />
strictement politiques. En conséquence de c<strong>et</strong>te désignation de l‘ennemi, il<br />
mit en œuvre tous les moyens de le combattre militairement en s‘engageant,<br />
contre <strong>la</strong> France de Napoléon <strong>et</strong> son allié le roi de Prusse, dans l‘armée du<br />
tzar russe. C<strong>la</strong>usewitz, analyse Schmitt, est « devenu le créateur d’une<br />
théorie politique de <strong>la</strong> guerre en tant qu’ennemi de Napoléon. Il a pensé ce<br />
que ses amis <strong>et</strong> lui ont fait. Ce n’est que pour ce<strong>la</strong> que sa théorie est<br />
authentique » 201 .<br />
Le grand mérite de C<strong>la</strong>usewitz est ainsi, selon Schmitt, d‘avoir perçu<br />
<strong>la</strong> lutte contre Napoléon dans l‘optique spécifiquement politique de<br />
l‘affirmation « tellurique » de sa collectivité d‘appartenance, <strong>la</strong> Prusse :<br />
« l’unité politique que pense C<strong>la</strong>usewitz est <strong>et</strong> reste l’État, à savoir son<br />
propre État concrètement existant » 202 . C‘est pourquoi l‘hostilité qu‘il<br />
thématise, celle du « mien » propre d‘une communauté particulière en<br />
conflit avec le « sien » d‘une nation étrangère visant à lui imposer sa<br />
domination, demeure politique, c‘est-à-dire réelle <strong>et</strong> limitée, tout comme le<br />
type de guerre qu‘elle conditionne. Rappelons-nous que, selon C<strong>la</strong>usewitz,<br />
« si deux parties se sont armées pour le combat, c’est qu’elles y ont été<br />
poussées par un principe d’hostilité » 203 . Le genre d‘un affrontement armé<br />
donné dépendra donc de <strong>la</strong> nature de l‘hostilité qui l‘engendre <strong>et</strong> <strong>la</strong> nourrit.<br />
Mais si <strong>la</strong> causalité réelle d‘une guerre doit toujours être rapportée in fine à<br />
<strong>des</strong> motifs politiques, il peut arriver, pour peu que ceux-ci soient occultés au<br />
200 Ibid.<br />
201 « C<strong>la</strong>usewitz comme penseur politique », op.cit.<br />
202 Ibid.<br />
203 De <strong>la</strong> guerre, op.cit.<br />
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