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colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

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toute <strong>la</strong> force requise que ces <strong>la</strong>byrinthes spécu<strong>la</strong>tifs sont <strong>la</strong> conséquence du<br />

dualisme ca<strong>la</strong>miteux qui a pesé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> pensée européenne depuis le poème de<br />

Parménide 279 . Il me semble que dans ce poème se trouve <strong>la</strong> clé perm<strong>et</strong>tant de<br />

comprendre pourquoi <strong>la</strong> phronèsis est un terme tellement polysémique <strong>et</strong><br />

peut désigner à <strong>la</strong> fois <strong>des</strong> activités de l‘esprit <strong>et</strong> <strong>des</strong> vertus de l‘âme.<br />

Personnellement je suis toujours frappé par le fragment 16 dans lequel ce<br />

prudent, ultérieurement déc<strong>la</strong>ssé par Aristote parce qu‘il n‘avait pas pu être<br />

utile à lui-même, chante ceci : ‗comme chacun se maintient dans le mé<strong>la</strong>nge<br />

<strong>des</strong> organes qui sinon iraient dans tous les sens, ainsi l‘esprit s‘établit dans<br />

l‘homme‘. La pensée est conçue ainsi comme une éclosion corporelle. Union<br />

étroite donc entre corps <strong>et</strong> esprit, union ou unité profonde dans l‘âme, <strong>et</strong><br />

dans tout ce qui suit Parménide ne va rien faire d‘autre que de déchirer c<strong>et</strong>te<br />

unité au profit de l‘un ou l‘autre <strong>des</strong> composants. Par son corps vivant<br />

l‘homme est nature mais son esprit lui a donné <strong>des</strong> ambitions d‘autonomie<br />

qui l‘ont éloigné de c<strong>et</strong>te situation originaire, l‘esprit prenant de plus en plus<br />

une position de r<strong>et</strong>rait <strong>et</strong> de distance par rapport à c<strong>et</strong>te vie sans <strong>la</strong>quelle<br />

pourtant il ne serait pas, car celui que l‘on appelle animal savant ou Dasein,<br />

l‘existant, est aussi un vivant. A mon avis <strong>la</strong> grande négligence de <strong>la</strong><br />

métaphysique ne concerne pas l‘être mais consiste à ignorer ce fait que<br />

l‘homme est un vivant. On connaît maintenant les péchés capitaux de <strong>la</strong><br />

métaphysique, <strong>des</strong> envolées futiles vers une transcendance extra-mondaine<br />

ou supranaturelle d‘une part <strong>et</strong> de l‘autre <strong>des</strong> prétentions technologiques<br />

orgueilleuses mais catastrophiques, imprudentes, de domination <strong>et</strong> maîtrise<br />

totale du monde matériel auquel on a réduit même <strong>la</strong> vie. En se séparant de<br />

sa chair pour en avoir une vue objective, en objectivant tout ce qui tombe sous<br />

son œil d‘argus l‘homme moderne se condamne à n‘avoir de ce qui est que <strong>des</strong><br />

représentations qui l‘enferment comme dans un pa<strong>la</strong>is de miroirs. Ce qu‘il<br />

produit, en somme, c‘est une représentation immatérielle <strong>et</strong> purement<br />

extérieure du vide auquel il a réduit les profondeurs de son propre corps, vide<br />

de ses désirs qui semblent le forcer à pratiquer comme une autophagie. Quant<br />

aux biens matériels, on le sait depuis longtemps, ils ne satisferont jamais c<strong>et</strong>te<br />

recherche de <strong>la</strong> plénitude vécue : celle-ci ne s‘obtient pas de ce qu‘on prend<br />

pour soi mais de ce qu‘on donne, sans demande de r<strong>et</strong>our, à autrui.<br />

Deux questions se posent désormais : tout d‘abord qu‘est-il advenu<br />

de ces ions pensifs qui dans le système aristotélicien ont nom phronèsis <strong>et</strong><br />

279 Parménide, Le poème, PUF, 1986, p.92.<br />

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