25.06.2013 Views

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

opératoires qui font toute <strong>la</strong> valeur du médecin. De vertus il n'a pas plus<br />

besoin que le commun <strong>des</strong> mortels, d'autant que nombre de dispositifs<br />

prothétiques pourront avantageusement s'y substituer. D'où <strong>la</strong><br />

« protocolisation » <strong>et</strong> <strong>la</strong> « procéduralisation » galopantes de <strong>la</strong> médecine<br />

contemporaine. Non seulement l'espace que doit occuper <strong>la</strong> phronèsis se<br />

réduit alors comme peau de chagrin, mais <strong>la</strong> connexion essentielle qui existe<br />

entre <strong>la</strong> phronèsis <strong>et</strong> l'activité médicale tend à être perdue de vue. Certains<br />

estiment même qu'elle n'a plus lieu d'être. Lois, règlements, co<strong>des</strong> de bonnes<br />

pratiques <strong>et</strong> guidelines y pourvoiront.<br />

Évidemment, un tel point de vue est totalement illusoire. Tout juste<br />

peut-on remp<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> dimension humaine par <strong>des</strong> processus inhumains, que<br />

l'on croit éthiquement neutres mais qui sont en réalité éthiquement<br />

neutralisants. La réalité du terrain se charge d'ailleurs de nous le rappeler en<br />

permanence. Car notre médecine actuelle a beau avoir revêtu un lourd<br />

équipement scientifique <strong>et</strong> technique, elle ne demeure authentiquement<br />

médecine qu'en respectant son noyau dur de « médicalité » (Arztum), terme<br />

qui caractérise, selon Viktor von Weizsäcker, ce qui fait que <strong>la</strong> médecine est<br />

médecine. Il suffit alors de se pencher <strong>sur</strong> ce qui constitue <strong>la</strong> médecine<br />

comme telle pour découvrir les liens indissociables qu'elle entr<strong>et</strong>ient avec <strong>la</strong><br />

phronèsis. D'où <strong>la</strong> nécessité de faire r<strong>et</strong>our à Aristote.<br />

En eff<strong>et</strong>, pour r<strong>et</strong>rouver l'essence même de <strong>la</strong> médecine, il faut<br />

commencer par rappeler que le terme d'art, si mal compris de nos jours, ne<br />

renvoie ni à l'art de l'artisan ni à celui de l'artiste mais à l'ars <strong>la</strong>tin, qui<br />

correspond exactement à <strong>la</strong> tékhnè grecque, elle-même trahie quand on <strong>la</strong><br />

traduit par « technique ». Or <strong>la</strong> tékhnè, nous dit Aristote en prenant<br />

justement l'exemple de <strong>la</strong> médecine, est d'abord un genre de connaissance,<br />

intermédiaire entre l'empéiria <strong>et</strong> <strong>la</strong> sophia. L'empéiria perm<strong>et</strong> de savoir<br />

« qu'une chose est » — par exemple que tel ma<strong>la</strong>de a été guéri par telle<br />

potion, mais sans qu'on en sache le « pourquoi », alors que <strong>la</strong> tékhnè nous<br />

fait connaître « le pourquoi <strong>et</strong> <strong>la</strong> cause » 153 . Quant à <strong>la</strong> sophia, qui est <strong>la</strong><br />

science <strong>des</strong> causes premières <strong>et</strong> <strong>des</strong> principes premiers, elle n'a évidemment<br />

rien à voir avec <strong>la</strong> médecine, fût-elle qualifiée de « science ».<br />

Pour autant, <strong>la</strong> médecine ne se réduit nullement à <strong>la</strong> tékhnè, car elle<br />

doit associer constamment c<strong>et</strong>te dernière à l'empéiria. L'empéiria ou<br />

« empirie », le terme d'expérience s'étant trop chargé au cours <strong>des</strong> âges, lui<br />

153 Aristote, Métaphysique, A, 1, 985 a 25-30, trad. B. Tricot, Paris, Vrin, 1966.<br />

48

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!