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colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

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personne du « juge d'équité », qu'il donne mission d'adapter les lois à <strong>la</strong><br />

particu<strong>la</strong>rité <strong>des</strong> faits. Ce qui requiert de changer <strong>la</strong> règle de fer de <strong>la</strong> loi<br />

générale en règle de plomb, seule à même d'épouser les contours de <strong>la</strong> réalité<br />

contingente sans cesser pour autant d'être une règle (fonction que remplit à<br />

peu près notre juris<strong>prudence</strong>).<br />

Aristote n'ira pas plus loin. Il est convaincu que <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong><br />

hommes sont incapables d'acquérir <strong>des</strong> habitus moraux par les voies<br />

normales de <strong>la</strong> moralisation, à savoir le recours à <strong>la</strong> raison pratique combiné<br />

à l'imitation <strong>des</strong> plus vertueux. Il considère que face au pathos, le logos ne<br />

fera jamais le poids 163 . Il en conclut que le légis<strong>la</strong>teur doit utiliser <strong>la</strong><br />

contrainte, assortie de châtiments, pour moraliser tous ceux qui « obéissent<br />

à <strong>la</strong> nécessité plutôt qu'au raisonnement » 164 . D'où <strong>la</strong> dissociation finale de<br />

l'éthique en deux sous-ensembles, d'un côté l'éthique <strong>des</strong> bons citoyens,<br />

assuj<strong>et</strong>tis aux bonnes lois, de l'autre celle <strong>des</strong> philosophes, auxquels l'activité<br />

contemp<strong>la</strong>tive perm<strong>et</strong> d'accéder à un statut plus qu'humain, quasi divin,<br />

mais toujours « dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e du possible ».<br />

On r<strong>et</strong>rouvera une tension analogue dans le christianisme : « Soyez<br />

parfaits comme votre Père céleste est parfait » dit le Christ à ses disciples,<br />

recommandant à chacun de prendre sa croix <strong>et</strong> de le suivre. Pour le chrétien,<br />

Jésus-Christ est ainsi devenu le phronimos par excellence, les saints<br />

canonisés par l'Église devenant <strong>des</strong> phronimoï secondaires. Mais pour faire<br />

<strong>la</strong> part du feu, le christianisme s'est en même temps efforcé de distinguer les<br />

prescriptions <strong>et</strong> les conseils évangéliques. Surtout, il a mis l'accent <strong>sur</strong> le<br />

pardon <strong>des</strong> péchés, tous les hommes demeurant pécheurs <strong>et</strong> aucun d'entre<br />

eux n'étant capable de se sauver tout seul. Mais ce clivage reste toujours<br />

vivace, comme en témoignent les réticences à l'égard <strong>des</strong> recommandations<br />

<strong>et</strong> admonestations <strong>des</strong> Papes en matière de biomédecine : au mieux on les<br />

tient pour <strong>des</strong> appels à <strong>la</strong> saint<strong>et</strong>é, réservés à une mince élite, au pire pour<br />

<strong>des</strong> exigences réactionnaires <strong>et</strong> obscurantistes, d'ailleurs inapplicables au<br />

commun <strong>des</strong> mortels.<br />

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de nos embarras actuels.<br />

L'idée d' « ordre moral » imposé par les lois, comme le souhaitait Aristote,<br />

constitue à nos yeux un épouvantail absolu. D'un autre côté, nous aspirons à<br />

nous décharger de notre responsabilité individuelle <strong>sur</strong> <strong>des</strong> lois <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

163 Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 10, 1179 b, 25-30.<br />

164 Idem, 1180 a.<br />

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