colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
demi-sage aussi vaine qu‘inutile, <strong>la</strong> politique ou <strong>la</strong> réalité irréductible du<br />
conflit, <strong>et</strong> donc <strong>la</strong> nécessité de <strong>la</strong> décision, s‘imposant toujours in fine.<br />
Conformément à l‘esprit de c<strong>et</strong>te hypothèse de l‘essence audacieuse de <strong>la</strong><br />
<strong>prudence</strong> prise dans son « bon sens politique », nous allons maintenant<br />
l‘éprouver à l‘aune de trois auteurs réputés « dangereux » : Machiavel,<br />
C<strong>la</strong>usewitz <strong>et</strong> Schmitt.<br />
1 - Les conditions de <strong>la</strong> <strong>prudence</strong> politique : Machiavel<br />
Schmitt écrit à juste titre à propos de Machiavel que, « aujourd’hui<br />
encore, ce nom a <strong>la</strong> force d’un signal » 169 – celui d‘un appel à <strong>la</strong> politique au<br />
sens propre du terme : pour exister politiquement, encore faut-il le vouloir <strong>et</strong><br />
le décider. Bref, il s‘agit de créer l’exception – prendre le pouvoir <strong>et</strong> le<br />
conserver. Si le politique n‘a affaire qu‘à de l‘exception, c‘est parce qu‘ « il<br />
s’agit de penser un état politique dans lequel <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité est impensable :<br />
c<strong>et</strong>te impossibilité de renvoyer <strong>la</strong> décision à un ordre (naturel, traditionnel<br />
ou conventionnel) oblige à faire porter à <strong>la</strong> décision <strong>sur</strong> l’exception le poids<br />
entier de <strong>la</strong> politique » 170 .<br />
Que l‘on se rappelle en eff<strong>et</strong> <strong>la</strong> première phrase, apparemment<br />
anodine, du Prince : “Tous les États, tous les pouvoirs qui ont eu <strong>et</strong> ont<br />
autorité <strong>sur</strong> les hommes ont été <strong>et</strong> sont <strong>des</strong> républiques ou <strong>des</strong><br />
monarchies” 171 . Autrement dit, le problème propre de <strong>la</strong> pensée politique<br />
n‘est pas d‘abord <strong>et</strong> essentiellement une question de droit, mais un problème<br />
de fait. C<strong>la</strong>ude Lefort estime ainsi que, « en négligeant de parler de l’origine<br />
<strong>et</strong> de <strong>la</strong> finalité de l’État, <strong>des</strong> mérites comparés <strong>des</strong> divers régimes, de <strong>la</strong><br />
fonction du prince dans <strong>la</strong> société, de <strong>la</strong> légitimité <strong>et</strong> de l’illégitimité de<br />
certaines formes de pouvoir, [Machiavel] donne à penser par son seul<br />
silence que ces idées ont cessé d’être pertinentes » 172 .<br />
169 « Machiavel. A l‘occasion du 22 juin 1927 » (traduction de Sitta SIELKE), in Carl<br />
SCHMITT, Machiavel-C<strong>la</strong>usewitz. Droit <strong>et</strong> politique face aux défis de l’histoire, textes<br />
présentés <strong>et</strong> commentés par Julien BRUNET, Agostino CARRINO, Günter MASCHKE, Paul<br />
PICCONE <strong>et</strong> Gary L. ULMEN, Paris, Krisis, 2007.<br />
170 Cf. Bruno BERNARDI, Qu’est-ce qu’une décision politique ?, Paris, Vrin, 2003.<br />
171 Le Prince, chapitre I, in Œuvres, présentation <strong>et</strong> traduction de Christian BEC, Paris, Robert<br />
Laffont, 1996.<br />
172 Le travail de l’œuvre Machiavel, Paris, Gallimard, 1986.<br />
70