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colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...

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chaos dans nos sociétés.<br />

Est-ce à dire que le légis<strong>la</strong>teur est capable de phronèsis ? Ce<strong>la</strong><br />

semble bien difficile, car on voit mal ce que pourrait signifier une phronèsis<br />

sans suj<strong>et</strong>, son statut de vertu en faisant un habitus, donc une composante de<br />

<strong>la</strong> « nature seconde » d'une personne singulière incarnée. La formule rituelle<br />

employée en pareil cas (« le légis<strong>la</strong>teur, dans sa grande sagesse… »)<br />

sonnerait alors fort creux si elle ne nous renvoyait pas à <strong>des</strong> hommes bien<br />

réels, soucieux de légiférer avec sagesse.<br />

On comprend alors qu'Aristote puisse prendre Périclès, grand<br />

homme d'État s'il en fut, comme exemple de phronimos politique. Mais les<br />

louanges qu'il lui adresse sont aussi l'occasion d'une envolée va<strong>la</strong>nt promesse<br />

d'é<strong>la</strong>rgissement du champ de <strong>la</strong> phronèsis : « Nous estimons que Périclès <strong>et</strong><br />

les gens comme lui sont <strong>des</strong> hommes prudents en ce qu'ils possèdent <strong>la</strong><br />

faculté d'apercevoir ce qui est bon pour eux-mêmes <strong>et</strong> ce qui est bon pour<br />

l'homme en général, <strong>et</strong> tels sont aussi, pensons-nous, les personnes qui<br />

s'entendent à l'administration d'une maison ou d'une cité » 160 . Pierre<br />

Aubenque en déduit avec raison que le thème de <strong>la</strong> phronèsis, qui n'occupe<br />

apparemment qu'une p<strong>la</strong>ce restreinte dans l'Éthique à Nicomaque, est en<br />

réalité omniprésent dans l'œuvre d'Aristote parce qu'elle est requise partout<br />

où il y a de l'action 161 .<br />

Aristote estime néanmoins, comme <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong> philosophes<br />

anciens <strong>et</strong> c<strong>la</strong>ssiques, que le meilleur <strong>des</strong> régimes politiques est celui où un<br />

seul commande — à condition, bien entendu, qu'il soit le meilleur. Mais<br />

comme il récuse l'idée que <strong>la</strong> politique soit une « science » (sophia), source<br />

du mythe dangereux de l'idéal du Prince comme sophos, sa faveur va<br />

finalement à une politique mo<strong>des</strong>te, capable de se contenter du meilleur ou<br />

du moins mauvais, compte tenu <strong>des</strong> circonstances. L'avantage passe alors à<br />

<strong>la</strong> démocratie, car <strong>la</strong> délibération collective perm<strong>et</strong> de compenser <strong>la</strong><br />

médiocrité <strong>et</strong> l'ignorance re<strong>la</strong>tives <strong>des</strong> individus assemblés 162 .<br />

On reste encore bien loin <strong>des</strong> comités d'éthique, même si c<strong>et</strong>te<br />

dernière formule peut leur être appliquée dans une certaine me<strong>sur</strong>e. Car si<br />

Aristote a bien conscience que les lois, même pétries de sagesse pratique,<br />

demeurent générales par définition, c'est à <strong>la</strong> justice, incarnée c<strong>et</strong>te fois en <strong>la</strong><br />

160 Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 5, 1140 b, 5-10.<br />

161 Pierre Aubenque, La <strong>prudence</strong> chez Aristote, Paris, PUF « Quadrige », 1993, p. 173 sq.<br />

162 Aristote, Les politiques, III, 11, 1282 a 17, trad. P. Pellegrin, Paris, F<strong>la</strong>mmarion « GF »,<br />

1993.<br />

60

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