colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
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consacré au schématisme <strong>des</strong> concepts purs de l‘intellect (B 181) c<strong>et</strong>te<br />
affirmation que ce schématisme est un art caché dans les profondeurs de<br />
l‘âme humaine dont nous pourrons difficilement arracher à <strong>la</strong> nature le<br />
secr<strong>et</strong> de ses tours de mains (Handgriffe) pour pouvoir les étaler c<strong>la</strong>irement<br />
devant nos yeux. Ce pouvoir productif est celui de l‘Einbildungskraft, <strong>la</strong><br />
puissance imaginative productive, que seule rend possible l‘imagination pure<br />
a priori. Voilà où Kant s‘arrête pour passer aussitôt aux concepts que l‘on ne<br />
saurait m<strong>et</strong>tre en image. C<strong>et</strong> ajout à <strong>la</strong> deuxième édition étonne d‘autant plus<br />
qu‘en elle Kant fit tout son possible pour éloigner l‘imagination de sa source<br />
sensible <strong>et</strong> <strong>la</strong> pousser du côté de l‘entendement pur. Toute c<strong>et</strong>te spécu<strong>la</strong>tion<br />
<strong>sur</strong> les concepts purs est d‘ailleurs fort embrouillée <strong>et</strong> même Heidegger n‘est<br />
pas parvenu à y m<strong>et</strong>tre de l‘ordre, encore moins a-t-il pu rendre compte de<br />
l‘imagination toujours condamnée au rôle de servante, souvent un peu trop<br />
irresponsable quand même. Mais l‘indication capitale demeure : elle plonge<br />
ses racines dans les profondeurs de <strong>la</strong> nature, je dirais là ou par où le corps<br />
vivant a ses racines dans <strong>la</strong> nature, là où il en fait partie. A partir de ce passage<br />
de <strong>la</strong> Critique de Kant, <strong>et</strong> je ne résiste pas à <strong>la</strong> tentation de le mentionner, je<br />
me trouve ramené à Guil<strong>la</strong>ume d‘Occam affirmant que les choses sont<br />
présentes dans l‘intellect où naît alors le concept par une opération secrète de<br />
<strong>la</strong> nature : ‗natura occulte operatur in universalibus‘ ! 282 . Même le grand<br />
nominaliste doit tenir compte de c<strong>et</strong>te force naturelle qui pour moi a nom de<br />
fantasia, c<strong>et</strong>te fonction vitale qui perm<strong>et</strong> à l‘organisme vivant d‘avoir une<br />
saisie <strong>sur</strong> le monde <strong>et</strong> par où celui-ci peut y entrer. Avant d‘exploiter <strong>la</strong><br />
fantasia au profit <strong>des</strong> délibérations du prudent je veux souligner le fait que<br />
c<strong>et</strong>te force ne nous enferme pas en nous-mêmes mais constitue aussi le fond<br />
vital dans lequel nous sommes <strong>des</strong> êtres intersubjectifs, qu‘en lui un<br />
quelconque solipsisme est impossible puisque tous les vivants baignent dans<br />
c<strong>et</strong>te nature commune. Formulé autrement, en chacun de nous <strong>la</strong> nature<br />
commune est à son œuvre de devenir, de s‘auto-affecter dans un processus<br />
ininterrompu de dé- <strong>et</strong> régénération. L‘organisme vivant sent ce dont il a<br />
besoin pour sa propre plénitude <strong>et</strong> part avec une confiance absolue pour le<br />
chercher <strong>et</strong> le trouver dehors. Mais de ce devenir continuel l‘intellect, pour<br />
pouvoir garder sa pur<strong>et</strong>é angélique, doit faire abstraction. Son savoir est<br />
abstrait pour pouvoir objectiver le monde dont il se sépare <strong>et</strong> dont il n‘aura<br />
282 Cité par Jean Joliv<strong>et</strong> dans le chapitre <strong>sur</strong> <strong>la</strong> philosophie médiévale occidentale dans<br />
Histoire de <strong>la</strong> philosophie, Tome 1, Bibliothèque de <strong>la</strong> Pléiade, Paris, 1969, p 1498.<br />
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