colloque sur la prudence. - Académie des sciences morales et ...
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Il y a dès lors confusion dans l‘utile entre ce qui est profitable à<br />
l‘homme <strong>et</strong> ce qui est bon pour l‘homme : entre « avoir du bien » <strong>et</strong> ce qui<br />
« est Bien » pour être. Il y a, de facto, confusion <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n éthique entre<br />
moindre mal <strong>et</strong> meilleur possible.<br />
Ces choix qu‘Aristote m<strong>et</strong> en avant dans son éthique sont traduits<br />
parfois trop vite par l‘idée de moindre mal qui nous aliène à <strong>la</strong> nature.<br />
L‘homme a <strong>la</strong> possibilité d‘envisager mieux que ce<strong>la</strong>, il peut viser bien plus<br />
haut puisqu‘il peut imaginer d‘autres possibles (ceux dont il ne dispose pas<br />
dans l‘immédiat mais qu‘il sait accessibles) : avant de se p<strong>la</strong>nter auprès d‘un<br />
grand arbre il peut choisir d‘aller se semer dans un meilleur espace où il<br />
pourra mieux s‘épanouir ( à force de travail, il pourra même s‘affranchir de<br />
lui-même...) Il peut donc envisager un meilleur possible supérieur à celui<br />
dont dispose <strong>la</strong> nature car <strong>la</strong> nature elle, ne délibère pas.<br />
Ce meilleur possible est-il accessible grâce à <strong>la</strong> délibération <strong>et</strong> aux<br />
choix, aux décisions justes ? Aristote sait que <strong>la</strong> délibération ne se suffit pas à<br />
elle-même car empruntée au système politique elle porte <strong>sur</strong> les moyens <strong>et</strong><br />
non <strong>sur</strong> <strong>la</strong> fin. Il apporte un nouveau concept : l‘eubolia, ou <strong>la</strong> rectitude<br />
re<strong>la</strong>tive à l‘utile, portant à <strong>la</strong> fois <strong>sur</strong> <strong>la</strong> fin à atteindre, <strong>la</strong> manière <strong>et</strong> le temps,<br />
elle est refusée à l‘incontinent <strong>et</strong> au pervers… si tant est que l‘on puisse les<br />
démasquer.<br />
Telle que définie par Aristote, c<strong>et</strong>te bonne délibération se doit d‘être<br />
nourrie de liberté, de responsabilité <strong>et</strong> de mérite… c‘est de l’éthos que<br />
dépendent donc <strong>la</strong> bonne délibération <strong>et</strong> le juste choix : ainsi se construit le<br />
phronimos (entendre le sage en termes de <strong>prudence</strong>).<br />
Car c‘est le propre de l‘homme prudent que de bien délibérer (ni<br />
Dieu, ni l‘animal ne délibèrent, seul l‘homme le fait) or, bien délibérer<br />
procède de ce qui va habiter <strong>la</strong> délibération, les intentions : d‘une part <strong>la</strong><br />
force ou <strong>la</strong> faiblesse avec <strong>la</strong>quelle elles seront portées <strong>et</strong> d‘autre part <strong>la</strong><br />
qualité éthique ou politique qui les meut. Nous voyons ici <strong>la</strong> difficulté de<br />
juger une bonne délibération. Les tours génoises seront postées selon que le<br />
juge sera prince ou philosophe. C‘est c<strong>et</strong>te proaïresis qui est le moment<br />
éminemment éthique du choix, de <strong>la</strong> décision car c‘est ce moment qui engage<br />
sa liberté, sa responsabilité <strong>et</strong> son mérite <strong>et</strong> c‘est à ce moment que se<br />
cristallise le consensus. Malgré l‘affirmation d‘Aristote de <strong>la</strong> suprématie de <strong>la</strong><br />
fin <strong>sur</strong> les moyens, nous sommes toujours tentés d‘inverser le théorème.<br />
Surtout que rien n‘empêche les utilitaristes de se revendiquer d‘Aristote en<br />
prônant que <strong>la</strong> fin justifie les moyens. Nous savons qu‘en réunion de<br />
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