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21 juillet

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du poisson. L’œil du poisson serait l’hôtel avec, autour,<br />

l’épicerie, la quincaillerie, la bibliothèque et l’église.<br />

Elle peignait les rues avec du givre sur les arbres dénudés.<br />

Elle peignait l’île au retour des oiseaux, chacun d’eux ramassant<br />

herbes de plage et aiguilles de pin pour bâtir son nid. Puis<br />

couverte de digitales en pleine floraison, plus grandes que des<br />

humains. Et ensuite avec des tournesols encore plus grands. Et<br />

encore ensuite avec les feuilles tournoyant en spirale vers le sol<br />

bosselé de noix et de châtaignes.<br />

Elle voyait tout avec une telle clarté. Elle était capable de se<br />

représenter chacune des pièces de chaque maison.<br />

Et plus elle se trouvait à même d’imaginer cette île, moins<br />

elle appréciait le monde de la vraie vie. Plus elle se trouvait à<br />

même d’en imaginer les gens, moins elle appréciait les gens de<br />

la vraie vie. Et tout particulièrement sa maman hippie, toujours<br />

fatiguée, avec ses relents de frites et de fumée de cigarette.<br />

Les choses en étaient arrivées au point où Misty Kleinman<br />

avait de guerre lasse abandonné toute idée d’être un jour<br />

heureuse. Tout était tellement laid. Tout était dégueulasse et,<br />

tout bonnement… rien n’était à sa juste place.<br />

Elle s’appelait Misty Kleinman.<br />

Au cas où elle ne serait pas dans les parages lorsque tu liras<br />

ceci, c’était elle, ton épouse. Au cas où tu ne ferais pas semblant<br />

d’être plus bête que tu n’es – ta pauvre épouse, son nom de<br />

naissance, c’était Misty Marie Kleinman.<br />

Cette pauvre fille stupide, lorsqu’elle dessinait un feu de joie<br />

sur la plage, elle était capable de sentir dans sa bouche le goût<br />

des épis de maïs et des crabes bouillis. En dessinant le jardin<br />

des simples de la maison, elle était capable de sentir le thym et<br />

le romarin.<br />

En dépit de quoi, meilleur devenait son coup de crayon, pire<br />

devenait son quotidien – au point que plus rien de sa vraie vie<br />

ne finit par lui convenir. Elle en arriva au point où elle n’avait<br />

plus sa place nulle part. Les choses en arrivèrent au point où<br />

plus personne ne trouvait grâce à ses yeux, par manque de<br />

raffinement, par manque de réalité. Ni les garçons du lycée. Ni<br />

les autres filles. Rien n’atteignait à la réalité de son univers<br />

imaginé. Au point qu’elle s’était mise à suivre une thérapie de<br />

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