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21 juillet

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n’est pas autorisé. Tabbi est partie dans le rayon enfants, et ton<br />

épouse se trouve dans son propre coma personnel : la section<br />

des livres d’art.<br />

Ce que l’on t’enseigne en arts plastiques, c’est que les vieux<br />

maîtres célèbres comme Rembrandt, le Caravage et Van Eyck,<br />

ils se contentaient de tracer. Ils dessinaient de cette manière<br />

dont la maîtresse interdit la pratique à Tabbi. Hans Holbein,<br />

Diego Velàzquez, ils s’asseyaient sous une tente de velours dans<br />

les ténèbres obscures et croquaient le monde extérieur brillant<br />

au travers d’une petite lentille. Ou se reflétant à la surface d’un<br />

miroir concave. Ils projetaient le monde extérieur sur l’écran de<br />

leur toile. Canaletto, Gainsborough, Vermeer, ils restaient là,<br />

dans le noir, des heures ou des jours durant, traçant les<br />

contours d’un bâtiment ou d’un modèle nu sous le soleil éclatant<br />

du dehors. Parfois, il leur arrivait même de déposer leurs<br />

couleurs directement sur les couleurs ainsi projetées, faisant<br />

correspondre au mieux le miroitement d’un tissu tel qu’il<br />

retombait en plis projetés. Ils peignaient un portrait<br />

parfaitement exact en l’espace d’un seul après-midi.<br />

Pour information, juste au cas où, sache que caméra obscura<br />

est l’expression latine pour « chambre obscure ».<br />

Là où la chaîne de montage recoupe le chef-d’œuvre. Un<br />

appareil photo utilisant de la peinture en lieu et place d’oxyde<br />

d’argent. De la toile de lin en lieu et place de pellicule.<br />

Elles passent là toute la matinée, et à un moment donné,<br />

Tabbi revient se poster auprès de sa mère. Tabbi tient en main<br />

un livre ouvert et dit : « M’man ? » Le nez toujours collé à la<br />

page, elle demande à Misty : « Savais-tu qu’il faut un feu ou une<br />

température de huit cent soixante-dix degrés pendant sept<br />

heures pour réduire en cendres un corps humain moyen ? »<br />

Le livre présente des photographies en noir et blanc de<br />

victimes brûlées « en position de pugiliste », leurs bras calcinés<br />

ramenés devant le visage. Leurs mains se serrent en poings,<br />

cuites par la chaleur du brasier. Des boxeurs calcinés noirs.<br />

L’ouvrage s’intitule Incendies : enquêtes de médecine légale.<br />

Pour information, le temps aujourd’hui est dégoût agacé avec<br />

velléités d’inquiétudes.<br />

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