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Ben Ali le ripou - Webvirage

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"république des lâches", selon ses termes, ces derniers seraient coupab<strong>le</strong>s, à ses yeux, de nonrésistance<br />

à la tyrannie qui <strong>le</strong>s opprime.<br />

Si <strong>le</strong> constat de M. Bagga est assez juste, son analyse manque cependant de nuance. La<br />

léthargie des Tunisiens, <strong>le</strong>ur soumission et <strong>le</strong>ur indifférence, face aux dérives minant <strong>le</strong>s bases<br />

économiques, politiques et socia<strong>le</strong>s du pays, sont certes inexplicab<strong>le</strong>s et même blâmab<strong>le</strong>s.<br />

Mais, avant de <strong>le</strong>s condamner sans nuance, on doit essayer de <strong>le</strong>s expliquer et donc <strong>le</strong>s situer<br />

dans <strong>le</strong> contexte politique du pays.<br />

Mais d’abord, il serait injuste de dire que <strong>le</strong>s Tunisiens n’ont pas opposé de résistance au<br />

régime de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, car <strong>le</strong> pays a enregistré, au cours des vingt dernières années, de nombreux<br />

mouvements sociaux qui ont tous été, à chaque fois, circonscrits et étouffés dans l’œuf par un<br />

impressionnant déploiement policier et sécuritaire et <strong>le</strong>urs meneurs arrêtés, torturés, jugés et<br />

condamnés à de lourdes peines de prison.<br />

Ainsi, en 2008, la région du bassin minier de Gafsa, la plus pauvre du pays et où <strong>le</strong> taux de<br />

chômage atteint <strong>le</strong> doub<strong>le</strong> de la moyenne nationa<strong>le</strong> (32% contre 14%), a été <strong>le</strong> théâtre d’un<br />

véritab<strong>le</strong> mouvement de soulèvement populaire contre <strong>le</strong> chômage, la misère et la corruption ;<br />

mouvement qui a duré plusieurs mois et qui embrasé toute la région. Les populations<br />

insurgées, à Redeyef, Oum Laraïes, Feriana et d’autres vil<strong>le</strong>s, ont été sauvagement réprimées.<br />

Au moins deux jeunes ont été tués par la police et on a enregistré plusieurs dizaines de<br />

b<strong>le</strong>ssés. Des centaines d’insurgés, pour la plupart des syndicalistes, ont été arrêtés et torturés.<br />

Les meneurs parmi eux ont été traduits devant <strong>le</strong>s tribunaux qui <strong>le</strong>s ont condamnés, après des<br />

simulacres de procès, à de lourdes peines de prison.<br />

En août 2010, la région de <strong>Ben</strong> Guerdane, sur la frontière libyenne, a été secouée, el<strong>le</strong> aussi,<br />

par des émeutes populaires qui ont duré plusieurs jours et ont donné lieu à des échauffourées<br />

entre <strong>le</strong>s insurgés et <strong>le</strong>s forces de l’ordre. Ce mouvement a été déc<strong>le</strong>nché par des mesures<br />

libyennes visant à mettre fin aux trafics frontaliers dont vit l’essentiel de la population<br />

tunisienne à l’extrême sud du pays. Si la situation a pu être rétablie, au bout d’une semaine,<br />

grâce à la <strong>le</strong>vée des mesures ayant causé la colère populaire, <strong>le</strong> mouvement a, comme celui de<br />

Redeyef, laissé des traces profondes dans la conscience des habitants de la région, d’autant<br />

que nombre de <strong>le</strong>urs fils insurgés ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison,<br />

sort souvent réservé par <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> à quiconque ose braver l’interdiction de manifester.<br />

Plus récemment, la région de Sidi Bouzid, s’est el<strong>le</strong> aussi embrasée. Tout est parti de la<br />

tentative de suicide, <strong>le</strong> 17 décembre, d’un jeune marchant ambulant de légumes, Mohamed<br />

Bouazizi, qui s’est immolé par <strong>le</strong> feu après que des agents municipaux et des policiers l’aient<br />

empêché de gagner sa vie dignement, au prétexte qu’il n’avait pas d’autorisation pour exercer<br />

son métier. Diplômé de l’enseignement supérieur qui n’a pas trouvé d’emploi, la victime était<br />

aussi <strong>le</strong> seul soutien de sa famil<strong>le</strong>: ses parents et ses deux sœurs, diplômées el<strong>le</strong>s aussi, sont au<br />

chômage. Ce drame, qui a été ressenti comme une injustice, a provoqué des émeutes dans<br />

toute la vil<strong>le</strong> et des affrontements entre la population et la police. Les jours suivants, d’autres<br />

vil<strong>le</strong>s de l’intérieur ont rejoint <strong>le</strong> mouvement pour protester contre <strong>le</strong>s inégalités et <strong>le</strong>s<br />

injustices qui laissent <strong>le</strong>s régions entières du pays sans infrastructures, sans investissements et<br />

sans sources de revenu. Les émeutes, qui se sont déc<strong>le</strong>nchées à Sidi Bouzid, faisant deux<br />

morts, plusieurs b<strong>le</strong>ssés et un grand nombre d’arrestations, ont gagné, peu à peu, toutes <strong>le</strong>s<br />

autres vil<strong>le</strong>s : de Bizerte, à l’extrême nord, à <strong>Ben</strong> Guerdane, à l’extrême sud, en passant par<br />

Tunis, Jendouba, Kairouan, Sousse, Sfax, Kerkennah, Regueb, Gafsa, Redeyef, Zarzis,<br />

Medenine et jusqu’à l’î<strong>le</strong> de Djerba, habituel<strong>le</strong>ment calme et prospère. Ce mouvement, auquel<br />

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