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Le RCD, ses "comparses" et ses opposants<br />
La scène politique tunisienne a été dominée depuis l’indépendance du pays, en 1956, par <strong>le</strong><br />
Néo-Destour ou Parti constitutionnaliste, formation créée en 1934 par Habib Bourguiba et qui<br />
a changé deux fois de dénomination, en devenant <strong>le</strong> Parti Socialiste Destourien (PSD) dans <strong>le</strong>s<br />
années 1960-1988, puis <strong>le</strong> Rassemb<strong>le</strong>ment Constitutionnel Démocratique (RCD), à partir de<br />
1988. Mais si <strong>le</strong> Néo-Destour avait pour vocation la lutte pour l’indépendance, objectif réalisé<br />
dès 1956, <strong>le</strong> PSD et son héritier <strong>le</strong> RCD sont devenus une coquil<strong>le</strong> vide, dont <strong>le</strong>s membres<br />
sont moins des militants au service d’un programme politique que des mercenaires dont la<br />
vocation est d’être au service de Bourguiba, puis de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>. Le RCD, surtout, ne sert plus<br />
l’intérêt des Tunisiens, qui d’ail<strong>le</strong>urs s’en détournent – même s’ils sont souvent contraints d’y<br />
adhérer pour éviter <strong>le</strong>s représail<strong>le</strong>s de ses sbires –, mais ceux d’un clan familial et de ses<br />
innombrab<strong>le</strong>s mercenaires d’autant plus zélés qu’ils sont aussi opportunistes.<br />
Autour de ce parti-Etat pivotent une pseudo-opposition constituée par des partis satellites qui<br />
reproduisent à une échel<strong>le</strong> très réduite <strong>le</strong>s fonctionnements et <strong>le</strong>s dysfonctionnements du parti-<br />
Etat. Le rô<strong>le</strong> de ces partis satellites, libéraux et de gauche, mais sans réel<strong>le</strong> envergure, semb<strong>le</strong><br />
être de compléter <strong>le</strong> décor démocratique. Alors qu’un mouvement réel<strong>le</strong>ment populaire,<br />
islamiste en l’occurrence, est interdit et durement réprimé.<br />
Le RCD s’est maintenu longtemps au pouvoir grâce à la répression des opposants, aux<br />
falsifications des é<strong>le</strong>ctions et à la mainmise sur <strong>le</strong>s rouages de l’Etat, de l’économie et des<br />
médias. Aussi, malgré l’instauration du pluralisme, à partir du début des années 1980, ce parti<br />
quasi-unique de fait continue de contrô<strong>le</strong>r directement, sous couvert d’un pluralisme de<br />
façade, <strong>le</strong>s partis existants. Il <strong>le</strong>s sabote en réduisant <strong>le</strong>ur champ d’action, en empêchant <strong>le</strong>ur<br />
accès aux médias, en suscitant en <strong>le</strong>ur sein des scissions, de manière à <strong>le</strong>s empêcher de se<br />
développer, d’agrandir <strong>le</strong>ur base et de constituer un pô<strong>le</strong> d’opposition capab<strong>le</strong> de mobiliser <strong>le</strong>s<br />
gens autour d’un nouveau projet national.<br />
A côté du RCD, la scène tunisienne compte six autres partis représentés au par<strong>le</strong>ment, et qui<br />
font de la figuration démocratique. Ce sont <strong>le</strong> Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS,<br />
social démocrate), <strong>le</strong> Parti de l’Unité Populaire (PUP, socialiste), l’Union Démocratique<br />
Unioniste (UDU, nationaliste arabe), <strong>le</strong> Mouvement Ettajdid (Renouveau, ex-Parti<br />
Communiste Tunisien), <strong>le</strong> Parti Social Libéral (PSL), <strong>le</strong> Parti des Verts pour <strong>le</strong> Progrès (PVP,<br />
écologiste).<br />
A l’exception d’Ettajdid, qui joue tant bien que mal son rô<strong>le</strong> d’opposition, ces partis sont des<br />
formations satellites du RCD. Ils n’ont pas de programmes. Leurs discours ne sont guère<br />
différents de ceux du parti de la majorité. Appelés aussi "partis administratifs", ils jouent<br />
essentiel<strong>le</strong>ment un rô<strong>le</strong> de comparses et bénéficient des prébendes associées à ce rô<strong>le</strong>,<br />
notamment des financements publics prévus par la loi, des sièges au par<strong>le</strong>ment et des postes<br />
au sein de l’administration publique. Leurs <strong>le</strong>aders et représentants au par<strong>le</strong>ment se hasardent<br />
rarement à critiquer <strong>le</strong> gouvernement et encore moins <strong>le</strong> Président de la République, dont ils<br />
ont souvent soutenu la candidature à la magistrature suprême, même lorsqu’ils avaient euxmêmes<br />
<strong>le</strong>urs propres candidats, comme en 1999, 2004 et 2009.<br />
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