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Ben Ali le ripou - Webvirage

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Arbitraire, concussion et corruption<br />

Les négociations entre acteurs économiques et pouvoir politique, entre citoyens et pouvoir<br />

aussi, qui constituent l’assise du régime, fondent donc <strong>le</strong> système autoritaire tunisien. Le<br />

fonctionnement concret de ce système s’appuie cependant, selon Hibou, sur trois éléments:<br />

"la tolérance de la ‘‘triche’’ (fraude, contrebande, activités informel<strong>le</strong>s, évasion fisca<strong>le</strong>);<br />

l’arbitraire du pouvoir, qu’autorisent <strong>le</strong> flou des textes, <strong>le</strong>s écarts entre lois et décrets et la<br />

confusion délibérée des hiérarchies administratives ; et la corruption. Ces trois pratiques<br />

sont suffisamment généralisées pour que presque toute la population, quel<strong>le</strong>s que soient ses<br />

affinités politiques et ses aspirations démocratiques, soit insérée dans ce système de<br />

négociation."<br />

Ainsi, l’évasion fisca<strong>le</strong> – par absence de déclaration, déclarations minorées et faib<strong>le</strong> taux de<br />

recouvrement – est parfois estimée par <strong>le</strong> fisc à 50% des recettes. El<strong>le</strong> est d’autant plus tolérée<br />

qu’el<strong>le</strong> permet au pouvoir "de justifier son immixtion arbitraire dans <strong>le</strong>s affaires<br />

économiques, et aux fonctionnaires des impôts de bénéficier de primes proportionnel<strong>le</strong>s aux<br />

redressements – <strong>le</strong>squels sont parfois si lourds qu’ils impliquent une négociation entre <strong>le</strong><br />

pouvoir et <strong>le</strong>s contribuab<strong>le</strong>s".<br />

Sur un autre plan, <strong>le</strong>s "prêts non remboursab<strong>le</strong>s" font partie de l’échange entre <strong>le</strong> monde<br />

économique et <strong>le</strong> pouvoir. Certes, <strong>le</strong>s hommes d’affaires proches du régime en bénéficient <strong>le</strong><br />

plus largement, puisque de nombreuses cessions de sociétés privatisées ont été financées par<br />

des crédits de banques publiques, mais ils ne sont pas <strong>le</strong>s seuls. Le secteur privé dans son<br />

ensemb<strong>le</strong> trouve son compte dans cet échange, même si, conséquence logique, <strong>le</strong>s créances<br />

douteuses plombent aujourd’hui <strong>le</strong>s comptes des banques, aussi bien publiques que privées.<br />

Si cet échange est majoritairement accepté par <strong>le</strong>s acteurs économiques et par <strong>le</strong>s citoyens,<br />

c’est qu’il ouvre de réel<strong>le</strong>s marges de manœuvre. Il permet, par exemp<strong>le</strong>, aux plus gros<br />

entrepreneurs d’"acheter" <strong>le</strong>ur autonomie économique et socia<strong>le</strong>, "de poursuivre <strong>le</strong>urs affaires<br />

sans être inquiétés (informalisation partiel<strong>le</strong>, sous-déclaration fisca<strong>le</strong>, non-respect de la<br />

législation du travail, pratiques protectionnistes…)". Aux plus petits (petits entrepreneurs,<br />

employés, simp<strong>le</strong>s citoyens), il permet, toujours selon Hibou, "de participer à des activités<br />

‘‘informel<strong>le</strong>s’’, à l’économie de contrebande qui <strong>le</strong>ur est associée, et d’avoir accès à des<br />

produits sur <strong>le</strong>s marchés parallè<strong>le</strong>s."<br />

C’est ainsi que la contrebande avec la Libye et l’Algérie est florissante, mais éga<strong>le</strong>ment "la<br />

fraude au port et la revente des marchandises fournies par <strong>le</strong>s émigrés donnent accès à des<br />

biens de consommation moins chers, créent des emplois et nourrissent la petite corruption",<br />

ajoute la chercheuse. La revente des biens achetés à crédit ainsi que l’écou<strong>le</strong>ment illégal de<br />

produits d’entreprises exportatrices alimentent éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> marché parallè<strong>le</strong>. L’exemp<strong>le</strong> du<br />

trafic de voitures fondé sur l’exemption des droits de douane dont bénéficient <strong>le</strong>s émigrés<br />

illustre l’amp<strong>le</strong>ur de ces pratiques. Enfin, même s’il y a peu de différence entre cours parallè<strong>le</strong><br />

et cours officiel, <strong>le</strong> marché des devises est relativement dynamique, alimenté par <strong>le</strong>s revenus<br />

des émigrés et par <strong>le</strong>s exportateurs. L’informel n’est pas seu<strong>le</strong>ment toléré en fonction de son<br />

rô<strong>le</strong> de soupape socia<strong>le</strong>; il est même aménagé, comme <strong>le</strong> suggèrent l’installation de ces<br />

marchands "informels" du secteur texti<strong>le</strong> rue Moncef Bey, à Tunis, ou l’institutionnalisation<br />

des "souks libyens" un peu partout dans <strong>le</strong> pays.<br />

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