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se sont joints, aux côtés des travail<strong>le</strong>urs et des chômeurs, <strong>le</strong>s <strong>le</strong>aders syndicalistes, <strong>le</strong>s<br />
activistes de la société civi<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s avocats, <strong>le</strong>s enseignants, <strong>le</strong>s journalistes, etc., est loin d’avoir<br />
épuisé toute son énergie.<br />
On a évoqué ici <strong>le</strong>s mouvements sociaux <strong>le</strong>s plus importants enregistrés dans <strong>le</strong> pays au cours<br />
des cinq dernières années. Leur importance vient du fait qu’ils ont duré dans <strong>le</strong> temps,<br />
mobilisé des régions entières avant d’essaimer dans tout <strong>le</strong> pays, et provoqué des accrochages<br />
vio<strong>le</strong>nts entre la population et <strong>le</strong>s forces de l’ordre. Le pays n’en a pas moins connu – et<br />
continue de connaître – des mouvements de contestation, certes plus limités dans <strong>le</strong> temps et<br />
dans l’espace, mais qui apportent la preuve que la stabilité relative dont on crédite <strong>le</strong> régime<br />
de <strong>Ben</strong> li n’est qu’apparente et qu’el<strong>le</strong> est à la merci de la moindre étincel<strong>le</strong>.<br />
L’insurrection armée, qui a duré plusieurs semaines, en décembre 2006 et janvier 2007, dans<br />
<strong>le</strong>s zones boisées de la région de Soliman, à 20 km au sud de Tunis, a certes été déc<strong>le</strong>nchée<br />
par des éléments infiltrés de l’Algérie voisine. El<strong>le</strong> n’en constitue pas moins, el<strong>le</strong> aussi, une<br />
preuve éloquente de l’impopularité du régime et du sentiment de rejet qu’il inspire à beaucoup<br />
de Tunisiens, au point de pousser certains d’entre eux à porter <strong>le</strong>s armes pour <strong>le</strong> combattre et à<br />
risquer <strong>le</strong>ur vie dans ce combat.<br />
La fuite de certains "ôurouch" (clans familiaux), parfois constitués de plusieurs dizaines<br />
d’individus, y compris des femmes, des vieillards et des enfants, vers l’Algérie voisine, en<br />
diverses occasions, au courant de 2008 et de 2009, en réaction à la répression qui s’est abattue<br />
sur la région du centre-est au moment des soulèvements du bassin minier de Gafsa, sont<br />
éga<strong>le</strong>ment à inscrire au chapitre du rejet qu’inspire un régime de plus en plus impopulaire et<br />
dont <strong>le</strong>s carences, <strong>le</strong>s manquements et <strong>le</strong>s dépassements (passe-droit, corruption,<br />
népotisme…) deviennent de plus en plus criards chaque jour.<br />
On pourrait dire autant des dizaines de milliers de jeunes qui sont en train de fuir, par vagues<br />
successives, la Tunisie de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, souvent décrite par la presse loca<strong>le</strong> comme un paradis sans<br />
équiva<strong>le</strong>nt dans <strong>le</strong> monde, en risquant <strong>le</strong>ur vie dans de longues et hasardeuses traversées de la<br />
Méditerranée à bord de barques de fortune. Ces desperados, dont plusieurs centaines<br />
croupissent dans des centres de détention dans l’î<strong>le</strong> italienne de Lampedusa, n’attendent plus<br />
rien d’un régime qui consacre de fastueuses festivités pour célébrer l’Année internationa<strong>le</strong> de<br />
la Jeunesse (août 2010 - août 2011), honteusement instrumentalisée pour accréditer l’image<br />
d’un Etat soucieux du bien-être des nouvel<strong>le</strong>s générations, alors que des dizaines de milliers<br />
de diplômés de l’université n’y trouvent pas d’emploi.<br />
Au pays du jasmin, tout n’est donc pas rose, loin s’en faut. La Tunisie offre même<br />
aujourd’hui, n’en déplaise aux thuriféraires émargeant sur la caisse noire de l’ATCE, un<br />
tab<strong>le</strong>au mitigé où <strong>le</strong>s objets de satisfaction deviennent rares et <strong>le</strong>s signes inquiétants plus<br />
nombreux chaque jour.<br />
Ces signes avant-coureurs d’une fin de règne qui risque de s’éterniser contrastent cependant<br />
avec l’impression de calme plat que donne <strong>le</strong> pays aussi bien aux Tunisiens qu’aux visiteurs<br />
étrangers. Impression que conforte la vocation touristique de la Tunisie et la disposition de sa<br />
population à faire la fête en toute circonstance. S’agit-il du calme qui précède la tempête,<br />
annoncée à cor et à cri par une opposition dont l’impuissance n’a d’égal que sa propension à<br />
prendre ses rêves pour des réalités ? S’agit-il, plutôt, d’un état d’inertie induit par la peur<br />
qu’inspire un régime autiste ne tolérant aucune forme de protestation et sévissant fermement<br />
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