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échelons du commandement." La plaisanterie se répéta et fut poussée à son maximum. On lui<br />
suggéra de demander la main de la fil<strong>le</strong> du "patron". Imperturbab<strong>le</strong>, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> restait de marbre.<br />
Mais plus pour longtemps. Les deux compères eurent l’audace de solliciter une audience au<br />
Commandant en chef, d’autant plus qu’il a demandé au jeune officier de donner des cours<br />
particuliers à son garçonnet Hédili. Immédiatement reçus, ils firent savoir à l’officier<br />
supérieur qu’ils ont été chargés par <strong>le</strong> sous-lieutenant <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> de la délicate mission<br />
d’entreprendre <strong>le</strong>s premiers contacts en vue d’obtenir la main de mademoisel<strong>le</strong> sa fil<strong>le</strong>.<br />
Le Commandant Mohamed El Kéfi, homme brave et simp<strong>le</strong>, fut ravi et manifesta sans<br />
hésitation son accord. Mis devant <strong>le</strong> fait accompli, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> accepta la proposition, d’ail<strong>le</strong>urs<br />
toute à son honneur.<br />
On battit <strong>le</strong> fer tant qu’il est chaud. Les fiançail<strong>le</strong>s furent rapidement célébrées. Ce fut une<br />
première pour la mairie de Hammam-Sousse. L’acte y fut conclu selon la nouvel<strong>le</strong> loi du 1 er<br />
août 1957 rég<strong>le</strong>mentant l’état civil par <strong>le</strong> maire en personne, en présence de nombreux invités<br />
de marque parmi <strong>le</strong>squels <strong>le</strong> Gouverneur de Sousse et <strong>le</strong> représentant du Secrétaire d’Etat à la<br />
Défense Nationa<strong>le</strong>. Le quotidien La Presse de Tunisie donna un long compte-rendu de<br />
l’événement.<br />
<strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> offrit à sa fiancée de nombreux cadeaux dignes du rang des beaux-parents. Achetés à<br />
tempérament, il solda <strong>le</strong>s traites tirées à cet effet avec plusieurs années de retard et laissa<br />
auprès des bijoutiers et des drapiers la réputation d’un mauvais payeur.<br />
Le mariage fut consommé un peu plus tard, <strong>le</strong> 19 juil<strong>le</strong>t 1961. Ce soir là, la batail<strong>le</strong> de Bizerte<br />
battait son p<strong>le</strong>in. Pendant que <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, indifférent à ses devoirs supérieurs, goûtait aux joies<br />
du mariage, l’armée française tirait de toutes ses armes terrestres et aériennes sur quelques<br />
unités éparses de la jeune armée nationa<strong>le</strong> tunisienne, ainsi que sur des centaines de jeunes<br />
militants accourus de toutes <strong>le</strong>s régions pour manifester <strong>le</strong>ur détermination à débarrasser <strong>le</strong><br />
pays de toute présence militaire étrangère.<br />
Le beau-père, par contre, ne fit pas décevoir <strong>le</strong>s espoirs placés en lui. Bien au contraire. Il<br />
nomma son gendre à la tête du Service de la Sécurité militaire – en renvoyant son chef dans<br />
ses foyers : <strong>le</strong> capitaine Hassen <strong>Ben</strong> Lanwar –, poste norma<strong>le</strong>ment réservé à un officier<br />
expérimenté et compétent. Or, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, nous l’avons déjà dit, était jeune, dépourvu<br />
d’expérience et d’un niveau scolaire assez faib<strong>le</strong>.<br />
La mission du Service de la Sécurité militaire est doub<strong>le</strong> : la recherche du niveau opérationnel<br />
des armées supposées être en possession d’un éventuel ennemi d’une part, et d’autre part, la<br />
connaissance du niveau technologique de l’armement dans <strong>le</strong> monde, soit tout <strong>le</strong> secret<br />
industriel des usines d’armement, de télécommunications, de transport, de soins médicaux,<br />
bref, tout ce qui touche à l’intégrité matériel<strong>le</strong> du territoire national contre toute attaque de<br />
l’étranger. Tout cela nécessite l’existence, au sein dudit service, de plusieurs réseaux<br />
spécialisés et un budget considérab<strong>le</strong>. Imaginez un peu l’équiva<strong>le</strong>nt tunisien de la CIA ou du<br />
Mossad. Or, ni <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> ni son beau-père n’étaient capab<strong>le</strong>s de concevoir <strong>le</strong> fonctionnement de<br />
tel<strong>le</strong>s agences.<br />
On s’est alors rabattu sur <strong>le</strong> renseignement interne : chercher à savoir, au sein même des<br />
unités de l’armée, si tel officier a bu un verre de trop et dans tel endroit, ou s’il a couché avec<br />
une fil<strong>le</strong> dans tel hôtel ou si, au cours d’une conversation, il a exprimé des jugements sur ses<br />
chefs hiérarchiques, ou sur <strong>le</strong> régime politique et autres balivernes re<strong>le</strong>vant d’un ignob<strong>le</strong> esprit<br />
de délation.<br />
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