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Une vie simp<strong>le</strong>, en cette période, partagée entre <strong>le</strong>s travaux domestiques et <strong>le</strong>s obligations du<br />
fonctionnaire. Maison - bureau, bureau - maison. Très tôt <strong>le</strong> matin, pendant que Naïma<br />
préparait <strong>le</strong> petit-déjeuner, il entretenait <strong>le</strong>s rosiers de son jardin dont il était fier et auprès<br />
desquels il passait, en robe de chambre, la première heure de la matinée. Il aimait s’adonner à<br />
la pollinisation artificiel<strong>le</strong>, c’est-à-dire recueillir <strong>le</strong> pol<strong>le</strong>n d’une rose et <strong>le</strong> déposer sur <strong>le</strong> pistil<br />
d’une autre. Ainsi, il parvenait à créer des variétés hybrides de roses dont il était fier. Quand il<br />
obtenait une nouvel<strong>le</strong> bel<strong>le</strong> rose, il la mettait dans un petit vase au col long et fin sur son<br />
bureau en face de lui. C’était l’âge de l’innocence.<br />
Les invitations officiel<strong>le</strong>s étaient nombreuses. Il s’y rendait seul, rarement avec sa femme.<br />
Naïma, maniaque en matière de propreté, préférait s’occuper de sa maison. El<strong>le</strong> ne sortait<br />
point seu<strong>le</strong>.<br />
Ils eurent trois fil<strong>le</strong>s : <strong>le</strong>s deux premières au Bardo, la troisième, non loin de là, et plus tard, à<br />
Khaznadar.<br />
La vie professionnel<strong>le</strong> était en progression continue. Dominant sa timidité naturel<strong>le</strong>, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong><br />
prit peu à peu de l’aisance. Passionné pour son travail, il lui consacrait tout son temps, même<br />
<strong>le</strong> dimanche et <strong>le</strong>s jours fériés. Le soir, il emportait de nombreux dossiers et achevait <strong>le</strong>ur<br />
dépouil<strong>le</strong>ment à la maison. Méticu<strong>le</strong>ux quant à l’étude d’une situation, il surveillait de près<br />
l’exécution de ses ordres et coordonnait l’activité de ses subordonnés. Même malade, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong><br />
se rendait au bureau. Son service disposait de tout <strong>le</strong> cinquième étage du ministère de la<br />
Défense Nationa<strong>le</strong>.<br />
* * *<br />
Un jour de l’automne de l’année 1964, l’ambassadeur des Etats-Unis signala au ministre<br />
l’existence d’un navire de guerre russe en panne dans <strong>le</strong>s eaux de la côte nord. <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> reçut<br />
la mission d’al<strong>le</strong>r voir… Il se rendit seul dans <strong>le</strong>s environs de Cap Serrat, en fin d’après-midi,<br />
s’installa sur la plage et y passa toute la nuit enveloppé dans une simp<strong>le</strong> couverture à observer<br />
avec des jumel<strong>le</strong>s la curieuse construction flottante et fut témoin du sauvetage effectué par un<br />
autre navire venu au secours du premier. Bâtiment d’une haute technologie, il put rapidement<br />
mettre en situation de ca<strong>le</strong> sèche <strong>le</strong> navire en difficulté, réparer la panne en quelques heures et<br />
lui permettre de continuer sa route. Les deux navires quittèrent <strong>le</strong>s lieux dès l’aurore.<br />
On peut imaginer la joie de Habib Ammar <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain relatant <strong>le</strong> film de la soirée à<br />
l’ambassadeur des Etats-Unis, photos prises en infrarouge à l'appui.<br />
A partir de ce jour-là, <strong>le</strong> ministre ne lésinait plus sur <strong>le</strong>s moyens de travail de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>. Tout ce<br />
qu’il demandait lui était désormais accordé. Ainsi, il eut une voiture banalisée, des<br />
équipements spéciaux pour la filature et <strong>le</strong>s écoutes téléphoniques, une équipe de femmes,<br />
jeunes et séduisantes, capab<strong>le</strong>s de tenir agréab<strong>le</strong>ment la compagnie aux visiteurs étrangers et<br />
enfin l’octroi d’une caisse noire à l’instar de cel<strong>le</strong> dont disposait, au ministère de l’Intérieur, <strong>le</strong><br />
directeur de la Sûreté nationa<strong>le</strong>.<br />
Cette période de bonnes grâces dura huit ans. Une éternité ! El<strong>le</strong> prit fin bruta<strong>le</strong>ment peu après<br />
<strong>le</strong> 12 janvier 1974, jour où Bourguiba et Kadhafi signèrent à Djerba sur un papier sans en-tête<br />
de l’Ulysse Palace l’union mort-née de la Tunisie et de la Libye.<br />
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