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On achève bien l’opposition<br />
Verrouillage politique, cloisonnement de tout espace de liberté, étouffement de toute forme de<br />
protestation pacifique, vio<strong>le</strong>nces de toutes sortes infligées aux opposants, à l’intérieur et à<br />
l’extérieur, pillage systématique des entreprises publiques, corruption généralisée et<br />
enrichissement illicite des clans alliés et proches de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>…<br />
C’est dans cette atmosphère délétère que la succession est en train de s’organiser, donnant<br />
lieu, comme aux dernières années de règne de Bourguiba, à une lutte acharnée dans l’opacité<br />
la plus tota<strong>le</strong>.<br />
Le peup<strong>le</strong>, écrasé par la peur et partagé entre espoir et désillusion, est maintenu dans<br />
l’ignorance des manœuvres dangereuses qui sont à l’œuvre entre <strong>le</strong>s murail<strong>le</strong>s épaisses et<br />
étanches du Palais de Carthage.<br />
La situation est arrivée à un tel degré de pourrissement que certains s’autorisent à penser que<br />
<strong>le</strong> pouvoir est à bout de souff<strong>le</strong> et qu’il pourrait être emporté par la première grande tempête.<br />
C’est, en tout cas, ce que claironnent sans cesse <strong>le</strong>s opposants à <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, qui semb<strong>le</strong>nt prendre<br />
<strong>le</strong>urs rêves pour des réalités. Car, comment expliquer <strong>le</strong> calme plat qui règne actuel<strong>le</strong>ment<br />
dans <strong>le</strong> pays? Pourquoi <strong>le</strong>s émeutes populaires qui éclatent à interval<strong>le</strong>s réguliers dans<br />
certaines régions du pays, notamment l’extrême sud et <strong>le</strong> centre ouest, où vivent <strong>le</strong>s couches<br />
<strong>le</strong>s plus défavorisées de la population, ne débouchent-ils pas sur des mouvements<br />
d’insurrection populaire et de désobéissance civi<strong>le</strong>, comme cela arrive souvent dans certaines<br />
autres régions du monde? Que font – ou plutôt ne font pas – <strong>le</strong>s opposants, qui expliquerait<br />
l’étrange et précaire statu quo actuel? Pourquoi ces opposants, toujours prompts à stigmatiser<br />
<strong>le</strong> régime dans <strong>le</strong>s instances et médias internationaux, ne profitent-ils de l’impopularité<br />
croissante du régime pour capitaliser sur ses erreurs et errements et construire, à l’intérieur,<br />
une plate-forme de changement politique? Pourquoi, au lieu de s’unir dans un large front<br />
d’opposition au dictateur vieillissant, offrent-ils encore l’image peu reluisante de <strong>le</strong>urs rangs<br />
désespérément dispersés? Divisés, marginalisés et incapab<strong>le</strong>s de faire entendre <strong>le</strong>ur voix et de<br />
conduire un véritab<strong>le</strong> mouvement de changement alternatif, ne contribuent-ils pas, ainsi et à<br />
l’insu de <strong>le</strong>ur p<strong>le</strong>in gré, à la pérennisation d’un système qui, en d’autres temps et d’autres<br />
lieux, aurait été balayé par une vague de contestation interne? Une "révolution du jasmin", à<br />
l’instar de cel<strong>le</strong> des œil<strong>le</strong>ts au Portugal ou orange en Géorgie, est-el<strong>le</strong> possib<strong>le</strong> en Tunisie, <strong>le</strong><br />
"pays du jasmin" vanté par <strong>le</strong>s brochures des tours opérateurs européens? On est tenté de<br />
répondre par la négative. Car, si <strong>le</strong>s conditions objectives pouvant induire un tel mouvement<br />
historique sont largement remplies, <strong>le</strong>s conditions subjectives nécessaires à son<br />
déc<strong>le</strong>nchement ne <strong>le</strong> sont pas encore. La raison principa<strong>le</strong> de ce hiatus est à rechercher dans<br />
l’implacab<strong>le</strong> chape de plomb que <strong>le</strong> système policier mis en place par <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> fait peser sur la<br />
société tunisienne dans son ensemb<strong>le</strong>, et particulièrement sur ses élites intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s et<br />
politiques.<br />
Le président <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> ne cesse de déplorer, dans ses discours, la faib<strong>le</strong>sse des partis de<br />
l’opposition et d’annoncer des mesures pour soi-disant <strong>le</strong>s renforcer. En fait, depuis qu’il a<br />
accédé au pouvoir, ce fieffé menteur doublé d’un grand cynique, n’a fait que manœuvrer pour<br />
affaiblir davantage ces partis, placer ses agents dans <strong>le</strong>urs instances dirigeantes, susciter des<br />
scissions en <strong>le</strong>ur sein, pour mieux <strong>le</strong>s décrédibiliser et <strong>le</strong>s couper de <strong>le</strong>urs bases, et en faire,<br />
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