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Qu’en est-il au juste ? Quel est <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> exact de Leïla? A-t-el<strong>le</strong> vraiment l’influence qu’on lui<br />
prête sur <strong>le</strong> président, notamment dans la nomination et la disgrâce des ministres, hauts cadres<br />
de l’Etat et dirigeants des entreprises publiques ? Assume-t-el<strong>le</strong> <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de régente que lui<br />
prête un livre paru en septembre 2009 à Paris, sévissant à l’ombre d’un mari de plus en plus<br />
absent, fatigué par l’âge et la maladie, et qui, surtout, résiste de moins en moins à ses<br />
demandes et à cel<strong>le</strong>s de sa smala? Cherche-t-el<strong>le</strong> vraiment à placer ses protégés et ses obligés<br />
aux principaux postes importants, au gouvernement, dans l’appareil de sécurité, au sein des<br />
instances politique et dans <strong>le</strong> système économique afin de mettre la main sur tous <strong>le</strong>s <strong>le</strong>viers<br />
de commande pour, <strong>le</strong> jour J, prendre <strong>le</strong> pouvoir suprême? Croit-el<strong>le</strong> vraiment, comme semb<strong>le</strong><br />
vouloir l’accréditer certaines figures de la nomenkatura tunisienne, comme <strong>le</strong>s puissants<br />
conseil<strong>le</strong>rs Abdelaziz <strong>Ben</strong> Dhia et Abdelwaheb Abdallah, frères ennemis unis pour <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur<br />
et surtout pour <strong>le</strong> pire, que la Tunisie est mûre aujourd’hui pour être gouvernée par une<br />
femme, et que cette femme ne pourrait être qu’el<strong>le</strong>? Les mesures visant à accroître la présence<br />
des femmes aux principa<strong>le</strong>s instances de décision (partis, gouvernement, chambres des<br />
députés et des conseil<strong>le</strong>rs, conseils municipaux, etc.) visent-el<strong>le</strong>s à créer une situation propice<br />
à cette prise de pouvoir féminine dans <strong>le</strong> pays arabe et musulman qui a <strong>le</strong> plus avancé sur la<br />
voie de l’émancipation des femmes? Et si l’épouse du président ne cherchait vraiment qu’à<br />
garantir l’impunité, pour el<strong>le</strong> et pour <strong>le</strong>s membres de son clan, ainsi que la poursuite de la<br />
jouissance de <strong>le</strong>urs privilèges actuels après la mort du mari, et cela en mettant sur orbite <strong>le</strong>s<br />
personnalités proches auxquel<strong>le</strong>s el<strong>le</strong> pourrait, l’heure venue, faire confiance? Quels<br />
pourraient être <strong>le</strong>s éventuels <strong>le</strong>aders capab<strong>le</strong>s d’assurer la transition sans toucher aux piliers<br />
du système mis en place par <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, à ses principa<strong>le</strong>s figures ni aux privilèges dont cel<strong>le</strong>s-ci<br />
jouissent? Sakher El Materi, né d’une bonne famil<strong>le</strong> tunisoise, à l’image lisse de bon<br />
musulman, croyant et pratiquant, pourrait-il assumer ce rô<strong>le</strong>, sous l’ombre tutélaire de sa<br />
bel<strong>le</strong>-mère omnipotente? Mais que pensent de tout cela <strong>le</strong>s membres du gouvernement, <strong>le</strong>s<br />
dirigeants du parti au pouvoir et <strong>le</strong>s patrons des grands groupes privés, dont <strong>le</strong>s intérêts sont<br />
aujourd’hui si imbriqués? Est-ce qu’il <strong>le</strong>ur arrive vraiment de réfléchir à cette question de la<br />
succession ou bien, pétrifiés par la peur – ne dit-on pas que <strong>le</strong> capital est lâche – et se<br />
surveillant <strong>le</strong>s uns <strong>le</strong>s autres, se contentent-ils de suivre la direction du vent et de se<br />
positionner dans l’immédiat entourage présidentiel en espérant pouvoir, <strong>le</strong> jour J, être en<br />
bonne place pour prendre <strong>le</strong> bon wagon?<br />
Diffici<strong>le</strong> de répondre de manière définitive. Il y a un peu de tout cela à la fois. Car si la<br />
plupart des piliers du régime pensent à cette question de la succession, chaque jour en se<br />
teignant <strong>le</strong>s cheveux, personne n’ose montrer <strong>le</strong> moindre empressement. Ceux qui, en<br />
apprenant la maladie du président, en 2004, ont montré une certaine impatience – tels <strong>le</strong><br />
patron des patrons Hédi Djilani ou Slim Chiboub –, n’ont pas tardé à se faire taper sur <strong>le</strong>s<br />
doigts. Depuis, tout <strong>le</strong> monde a retenu la <strong>le</strong>çon.<br />
Officiel<strong>le</strong>ment, donc, la succession n’est pas à l’ordre du jour. Car, bien qu’il soit malade,<br />
atteint d’un cancer de la prostate, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> n’en continue pas moins de gouverner. Il se soigne<br />
certes, discrètement – dans des cliniques à Malte et en Al<strong>le</strong>magne –, mais il tient à afficher<br />
une énergie suffisante pour lui permettre d’assumer <strong>le</strong>s taches associées à ses fonctions.<br />
Aussi, pour couper court à toute discussion au sujet de sa succession, même parmi <strong>le</strong>s<br />
membres de son clan, et surtout parmi ces derniers, <strong>le</strong> président ne se contente pas d’imposer<br />
un contrô<strong>le</strong> strict sur tous <strong>le</strong>s <strong>le</strong>viers du pouvoir, notamment la police, l’armée,<br />
l’administration, <strong>le</strong> parti et même <strong>le</strong> système économique, il tient à assurer, quasiquotidiennement,<br />
une présence envahissante dans <strong>le</strong>s médias. On <strong>le</strong> voit quasiquotidiennement<br />
à la télévision recevoir son Premier ministre, présider un conseil ministériel,<br />
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