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étrangers dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s el<strong>le</strong> ne se prive pas de donner son avis sur <strong>le</strong>s grands choix<br />
stratégiques du pays. El<strong>le</strong> fait éga<strong>le</strong>ment des discours, qui plus est, du haut de la tribune<br />
présidentiel<strong>le</strong>, au Palais de Carthage, selon <strong>le</strong>s mêmes rituels et dispositifs protocolaires<br />
utilisés pour <strong>le</strong>s discours présidentiels. Il est même arrivé à la première dame de Tunisie de<br />
faire un discours devant <strong>le</strong>s membres de la Chambre des députés. Ce qui constitue une<br />
aberration du point de vue constitutionnel, puisque l’épouse du président n’a pas (ou pas<br />
encore) de fonction politique reconnue par la Constitution.<br />
Preuve que Mme <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> se tail<strong>le</strong> une place de plus en plus envahissante sur la scène<br />
politique tunisienne: ses discours sont diffusés, souvent intégra<strong>le</strong>ment, sur la chaîne de<br />
télévision publique, avant d’être publiés, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, en version intégra<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong>s pages des<br />
quotidiens nationaux, publics et privés. Aujourd’hui, <strong>le</strong>s activités de Mme <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> ouvrent <strong>le</strong><br />
journal de 20 heures à la télévision. El<strong>le</strong>s sont couvertes par l’agence de presse officiel<strong>le</strong> et<br />
publiées en bonne place, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, à la Une des quotidiens. Il n’est pas rare, et il est<br />
même de plus en plus fréquent, de voir <strong>le</strong>s portraits du coup<strong>le</strong> présidentiel, l’un à côté de<br />
l’autre, à la télévision et dans <strong>le</strong>s journaux, mais aussi affichés partout en vil<strong>le</strong>, à tous <strong>le</strong>s<br />
carrefours, comme dans <strong>le</strong>s magasins et <strong>le</strong>s boutiques.<br />
Comme dans toute dictature, cet affichage envahissant des portraits du "grand <strong>le</strong>ader" – et ici<br />
de son épouse – n’est pas spontané, même s’il doit en donner officiel<strong>le</strong>ment l’apparence. Des<br />
équipes constituées de membres de l’administration (municipalités, gouvernorats…) et de<br />
militants du parti au pouvoir (RCD) veil<strong>le</strong>nt au grain, sillonnant <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s et imposant aux<br />
citoyens, des simp<strong>le</strong>s boutiquiers et aux dirigeants des grandes entreprises privées, d’afficher<br />
de manière visib<strong>le</strong> <strong>le</strong>s portraits officiels du président et son épouse. Cette volonté de mettre en<br />
avant, de manière si insistante et si tapageuse, la personnalité de l’épouse du président ne<br />
saurait être réduite au zè<strong>le</strong> qui accompagne généra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> culte de la personnalité dans <strong>le</strong>s<br />
pays dominés par des dictatures d’un autre âge. El<strong>le</strong> émane aussi, et sans doute, d’une<br />
stratégie de communication qui poursuit des desseins politiques. Ce qui donne à penser – et<br />
beaucoup de Tunisiens en sont aujourd’hui persuadés – que <strong>le</strong> régime est en train de préparer<br />
une transmission du pouvoir suprême entre <strong>le</strong> président et son épouse. Beaucoup de<br />
Tunisiens, surtout au sein de la nomenkatura au pouvoir, n’écartent pas cette possibilité, qui<br />
n’a rien de saugrenue à <strong>le</strong>urs yeux. Beaucoup d’entre eux, qui doivent <strong>le</strong>urs postes ou <strong>le</strong>urs<br />
fortunes aux accointances avec <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> présidentiel et/ou au clan des Trabelsi, ne sont pas<br />
loin de soutenir ce scénario, d’autant qu’il <strong>le</strong>ur permet de préserver <strong>le</strong>urs positions et <strong>le</strong>urs<br />
intérêts. Ces lèche-bottes organiques, toujours prompts à anticiper <strong>le</strong>s moindres désirs de <strong>le</strong>urs<br />
maître et maîtresse, ne reculant devant aucune bassesse pour plaire à ces derniers, se<br />
retrouvent à tous <strong>le</strong>s niveaux de la responsabilité politique, administrative et économique. Ils<br />
appartiennent à tous <strong>le</strong>s corps constitués, à toutes <strong>le</strong>s organisations nationa<strong>le</strong>s et à toutes <strong>le</strong>s<br />
corporations professionnel<strong>le</strong>s. Ce sont eux qui crient <strong>le</strong> plus fort <strong>le</strong>ur allégeance au coup<strong>le</strong><br />
présidentiel et que <strong>le</strong> régime utilise, tour à tour, comme des porte-voix zélés et des idiots<br />
uti<strong>le</strong>s pour faire passer ses décisions <strong>le</strong>s plus grotesques.<br />
Parmi <strong>le</strong>s signes qui trahissent – ou font sciemment accréditer – l’existence d’un scénario de<br />
passation du pouvoir entre <strong>le</strong> président et son épouse: ces auxiliaires de choc, souvent bien<br />
informés et qui ne se privent pas de colporter <strong>le</strong>s échos dont bruissent <strong>le</strong>s couloirs du Palais de<br />
Carthage, ne cessent de claironner, depuis quelques année, que Leïla <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> détient déjà<br />
l’essentiel du pouvoir dans <strong>le</strong> pays et que tout est mis en place actuel<strong>le</strong>ment pour accélérer la<br />
passation entre <strong>le</strong> président et sa dauphine.<br />
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