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Ben Ali le ripou - Webvirage

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eux ont déposé des demandes en ce sens, et certains depuis <strong>le</strong>s premières années de<br />

l’accession de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> à la magistrature suprême, attendent toujours.<br />

Autre paradoxe du secteur: sous <strong>le</strong> protectorat français, la marge de liberté accordée aux<br />

journalistes était tel<strong>le</strong> que l’avocat Habib Bourguiba, pour ne citer que lui, a pu écrire de<br />

véritab<strong>le</strong>s brûlots contre <strong>le</strong> système colonial. Ses artic<strong>le</strong>s au vitriol ont d’ail<strong>le</strong>urs beaucoup<br />

contribué à mobiliser <strong>le</strong>s Tunisiens pour la libération de <strong>le</strong>ur pays. Aujourd’hui, cela est<br />

carrément impensab<strong>le</strong>. Et pour cause: dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain de l’indépendance, la marge de liberté<br />

d’expression qui était tolérée par <strong>le</strong>s autorités colonia<strong>le</strong>s a été rognée progressivement par <strong>le</strong><br />

nouveau régime républicain instauré par <strong>le</strong> même Bourguiba, au point que, dès <strong>le</strong> début des<br />

années 1960, il n’y avait plus dans <strong>le</strong> pays aucun média vraiment indépendant capab<strong>le</strong><br />

d’exprimer la moindre réserve quant à la dérive autoritaire du nouvel homme fort du pays et<br />

aux politiques économiques désastreuses qu’il a mises en routes.<br />

La lutte des élites tunisiennes pour l’élargissement du champ des libertés a cependant fini par<br />

contraindre <strong>le</strong> régime de Bourguiba, alors qu’il touchait à sa fin, à lâcher du <strong>le</strong>st. Ainsi, dès la<br />

fin des années 1970, et après une série de bou<strong>le</strong>versements politiques et sociaux, des journaux<br />

indépendants ont pu voir <strong>le</strong> jour. Erraï, Démocratie, Le Phare, Le Maghreb, Echaab, Al<br />

Moustaqbal, 15-21, Mensuel, ou même Réalités dans sa première période, ont contribué au<br />

développement d’une presse d’opinion, professionnel<strong>le</strong> et responsab<strong>le</strong>, qui a donné voix aux<br />

préoccupations des Tunisiens et à <strong>le</strong>urs revendications.<br />

Ce vent de liberté qui a soufflé sur <strong>le</strong> secteur de l’information était tel<strong>le</strong>ment irrésistib<strong>le</strong>, parce<br />

que porté par une volonté populaire et accepté – faute de pouvoir y faire face – par un régime<br />

affaibli et aux abois, que <strong>le</strong>s journaux gouvernementaux ou proches du gouvernement ont fini,<br />

vers <strong>le</strong> milieu des années 1980, à se laisser entraîner par <strong>le</strong> mouvement. C’est ainsi que des<br />

journaux comme La Presse (gouvernemental) ou Assabah, Le Temps et autres Tunis-Hebdo,<br />

pourtant édités par des privés proches du régime, ont fini par ouvrir <strong>le</strong>urs colonnes aux élites<br />

politiques et intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s sans discrimination politique aucune. Les dirigeants des partis<br />

politiques d’opposition, y compris <strong>le</strong>s islamistes, y avaient même accès. Ces derniers étaient<br />

interviewés régulièrement et <strong>le</strong>urs positions largement diffusées, souvent critiquées et<br />

combattues, mais diffusées tout de même. Des débats étaient aussi ouverts sur tous <strong>le</strong>s sujets<br />

politiques, même <strong>le</strong>s plus délicats, comme <strong>le</strong>s abus de la police ou la succession de<br />

Bourguiba. Il fut même un temps, pas très lointain, où <strong>le</strong> <strong>le</strong>ader d’Ennahdha, <strong>le</strong> cheikh Rached<br />

Ghannouchi, faisait des déclarations au quotidien progouvernemental Assabah et où l’ancien<br />

président de la LTDH, Dr Moncef Marzouki, pouvait critiquer, sur <strong>le</strong>s colonnes même du<br />

journal gouvernemental La Presse, <strong>le</strong>s abus du gouvernement dans ce domaine.<br />

Les Tunisiens, amnésiques ou fatalistes, ont tendance aujourd’hui à oublier ce printemps de la<br />

presse en Tunisie. Les générations nées après des années 1980, et qui ont ouvert <strong>le</strong>s yeux dans<br />

un monde façonné par <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, avec une presse aux ordres, toute dévouée à chanter sa<br />

louange, ont du mal à comprendre, quand on <strong>le</strong>ur montre <strong>le</strong>s vieux journaux, comment <strong>le</strong><br />

secteur en est arrivé à ce niveau désespérant de médiocrité, de futilité et d’absence de<br />

professionnalisme qui a fait dire à un <strong>le</strong>cteur: "Notre presse n’a qu’un seul message : Tout va<br />

bien madame la marquise".<br />

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